« Nous n'avons pas lutté contre la présidentialisation de la Ve République pour la mettre en place à l'intérieur du parti », s'exclamait Benoît Hamon dans un cri du coeur lors du dernier Conseil National du Parti Socialiste. Un mois plus tôt le même homme disait « oui » à la mise en place d'élections primaires ouvertes pour désigner le futur présidentiable socialiste. C'est dans cette situation étriquée et paradoxale que se trouve le PS, tiraillé entre sa lutte contre la personnalisation du pouvoir et le souci de modernisation dans une vie politique de plus en plus présidentialisée.
La lutte contre la personnalisation du pouvoir est une constante dans l'histoire du socialisme français et c'est sans doute dans cette contestation des dérives autoritaires du pouvoir en place que les « idées socialistes » trouvent leur base idéologique commune. En effet, les socialistes entrent dès le XIXe siècle dans une tradition d'un exécutif faible, d'une crainte du pouvoir personnel.
[...] En effet, les socialistes s'opposent massivement aux institutions de la nouvelle République, à l'exception notoire de Guy Mollet, qui est dupé par la politique d'ouverture du Général. Le député François Mitterrand rédige un pamphlet contre la pratique tyrannique du pouvoir par De Gaulle (Le Coup d'Etat permanent, 1964), notamment après la révision constitutionnelle de 1962 qui, en organisant l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, instaure en fait une Constitution bis au sein de laquelle le Président de la République devient effectivement la clé de voûte des institutions (Michel Debré). [...]
[...] Toutefois, s'il est vrai que cette lutte contre les dérives personnelle et présidentialiste est fondatrice de l'identité même du socialisme, il faut néanmoins rappeler qu'au pouvoir, les socialistes s'accommodent parfaitement des institutions en place. Ceci est notamment flagrant avec l'exemple du règne de François Mitterrand, qui enfila le costume du monarque qu'il abhorrait durant sa période de chef de l'opposition. Une réforme novatrice, mais dangereuse L'adoption de la procédure des primaires ouvertes est un moment crucial dans l'histoire du PS. En ouvrant le vote d'investiture du présidentiable socialiste aux sympathisants et, non plus, aux seuls militants, le parti se modernise autant qu'il entérine sa dénaturation. [...]
[...] Une telle personnalisation du parti n'annonce pas forcément des victoires électorales et à un niveau purement pratique, il est possible de questionner le choix du calendrier. Le présidentiable élu en 2010 ne se lancera-t-il pas trop tôt dans la bataille? Ou au contraire ne sera-t-il pas déjà trop tard pour affronter un candidat de droite minutieusement préparé à prolonger le règne ? En voulant se mettre à jour des évolutions de la politique moderne, le PS se donne les chances de retrouver le pouvoir autant qu'il se met en redoutable danger. Hier, le socialisme était un rempart contre la menace autoritaire. [...]
[...] Aujourd'hui, le PS fait le choix de l'opportunité politique, du pragmatisme en risquant alors de ne devenir qu'une simple machine à gagner des élections, ou à les perdre. Bibliographie BERGOUNIOUX A. et GRUNBERG G., L'ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), Fayard CASTAGNEZ-RUGGIU N., Histoire des idées socialistes, La découverte CHAGNOLLAUD D. [...]
[...] C'est ainsi que les socialistes sont arrivés au pouvoir, d'abord avec la Force tranquille et la Génération Mitterrand (1981-1995) puis avec la Gauche plurielle de Lionel Jospin en 1997. Un constat se profile alors : le candidat vainqueur était toujours l'homme fort du parti, le Premier Secrétaire. Pourquoi les socialistes ne vont-ils pas plus loin encore dans leur transformation en synchronisant ces primaires ouvertes avec le Congrès afin de véritablement faire émerger une figure emblématique et pérenne du PS, capable de contenir les pulsions internes, de structurer son parti pour conquérir à terme le pouvoir ? [...]
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