L'égalité devant l'urne électorale est pour nous la condition première de la démocratie. Le principe même de l'égalité politique n'est pas en cause, et le suffrage universel est dorénavant l'obligatoire pierre angulaire de tout système politique. Cette unanimité est pourtant toute récente. Les interrogations sur l'opportunité politique et la validité philosophique de l'extension à tous les individus du droit de suffrage ont ainsi été pendant de longues décennies au centre de la vie intellectuelle comme des débats politiques. La question du suffrage universel est au fond la grande affaire du XIXe siècle.
L'égalité politique a introduit une formidable rupture intellectuelle dans les représentations sociales du 18e et 19e siècle. L'égalité politique instaure un type inédit de rapport entre les hommes, à distance de toutes les représentations libérales ou chrétiennes ; l'idée d'égalité politique est étrangère à l'univers du christianisme comme à celui du libéralisme originel.
L'égalité politique marque l'entrée définitive dans le monde des individus. Elle affirme un type d'équivalence de qualité entre les hommes, en rupture complète avec les visions traditionnelles du corps politique. Elle met en œuvre un individualisme qui marque une nette rupture par rapport à l'individualisme chrétien.
Le suffrage universel inscrit ainsi l'imaginaire social dans un nouvel horizon : celui d'une équivalence à la fois immatérielle et radicale entre les hommes. Le droit de suffrage produit la société elle-même. Il achève le mouvement de laïcisation du monde occidental. La grande révolution de notre temps est bien celle de la démocratie formelle, laissant entrevoir, derrière un halo d'inquiétude et de nostalgie, la mystérieuse figure d'une forme sociale inédite.
L'histoire du suffrage universel tisse sa trame avec celle de l'avènement de l'individu et de la réalisation de l'égalité. Elle est au cœur du processus d'invention des sociétés modernes. Si l'institution du droit de vote est acquise sans retour, érigée en fait d'évidence, les principes qui le fondent n'ont quant à eux pas fini d'interroger nos pratiques et d'ébranler nos certitudes.
[...] Les décisions du jury comme celles du suffrage politique doivent en retour être de même nature : droites et conformes à la raison. A cet égard les propositions de Condorcet sur l'instruction publique couronnent sa tentative de penser globalement les conditions de régulation de la tension démocratique par l'identification du citoyen à un acteur rationnel. Mais les plans d'éducation publique qui retiennent l'attention cherchent plus à susciter l'enthousiasme patriotique des individus qu'à développer leur raison. La coïncidence du nombre et de la raison que Condorcet cherchait à organiser résulte spontanément de la libre expression du peuple, selon les montagnards. [...]
[...] Il tire sa force d'une formidable sensibilité à la demande d'égalité et à la haine des privilèges qui tissent la trame de l'opinion révolutionnaire. Il met en ce sens au centre de la politique la question de l'inclusion beaucoup plus que celle de la participation active. L'ordre capacitaire La clarification libérale. Le 05 février 1817 une nouvelle loi électorale est promulguée. Elle marque un tournant décisif en rompant avec la politique du suffrage à plusieurs degrés et en théorisant le principe de l'élection directe des députés. La charte de 1814 avait fixé des conditions draconiennes à l'éligibilité. [...]
[...] Dans l'approche utilitariste de la démocratie qui domine dans les pays anglo-saxons, les femmes conquièrent des droits politiques en raison de leur spécificité, en tant que membres d'un groupe, représentant des intérêts particuliers les femmes sont admises à voter. En France le droit de vote a d'autres racines, il est dérivé du principe d'égalité politique entre individus. L'universalisme à la française constitue dans ce cas un obstacle au suffrage féminin. Mais le véritable obstacle réside dans la difficulté qu'il y a de considérer la femme comme un individu. [...]
[...] Commentaire du livre "Le sacre du citoyen" de Pierre Rosanvallon Introduction : la révolution de l'égalité Un homme, une voix L'égalité devant l'urne électorale est pour nous la condition première de la démocratie. Le principe même de l'égalité politique n'est pas en cause, et le suffrage universel est dorénavant l'obligatoire pierre angulaire de tout système politique. Cette unanimité est pourtant toute récente. Les interrogations sur l'opportunité politique et la validité philosophique de l'extension à tous les individus du droit de suffrage ont ainsi été pendant de longues décennies au centre de la vie intellectuelle comme des débats politiques. [...]
[...] Le législateur avait estimé en effet que les personnes dans cette situation ne présentaient pas les conditions d'indépendance nécessaire à l'exercice de fonctions électives. Cette disposition ne sera abrogée qu'en 1975 mais de manière purement circonstancielle. Les réticences tardives à considérer comme des citoyens ordinaires les domestiques et les indigents soulignent le caractère simultanément invincible et problématique de l'universalisation du citoyen. Les frontières de la cité. On ne peut séparer l'histoire de la citoyenneté de celle du concept de nationalité. [...]
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