En 1964, François Mitterrand, jeune président d'un club de gauche, publie Le Coup d'Etat permanent, pamphlet stigmatisant la dérive monarchique que prend à ses yeux une Ve République triomphante. Entre l'attaque du polémiste et la réponse indirecte de De Gaulle dans ses Mémoires d'espoir s'écoulent 5 ans, durant lesquels le débat se cristallise autour de la présidentialisation du régime. Là où de Gaulle va, « pour servir la puissance renaissante de la France, personnifier cette grande ambition nationale », Mitterrand dénonce un absolutisme rampant qui s'insinue dans le pouvoir français sous l'impulsion d'un dictateur. A la justification par la nécessité s'oppose l'exigence de transparence. Les deux livres montrent les résistances face à la mise en place d'un nouveau système où le président concentre de nombreux pouvoirs, et les déchirements entre une France parlementaire, qui voit dans l'émergence d'un exécutif fort les prémices d'une dictature, et une France présidentielle, pour qui la concentration des pouvoirs dans les mains d'un personnage démocratiquement élu est gage d'efficacité.
Nous commencerons par étudier les points polémiques qu'évoquent ces deux livres, en comparant les arguments des deux auteurs. Puis nous étudierons les limites de la critique de Mitterrand, et sa conversion à la pratique du pouvoir qu'il stigmatisait.
[...] Ainsi, lorsque Mitterrand se lance dans la fresque du pouvoir selon De Gaulle est-il contraint d'écrire au futur, faute de matériaux réels étayant sa thèse il s'emparera corps et biens du pouvoir exécutif il livrera le parlement aux risées d'une propagande totalitaire il se débarrassera des derniers contrôles importuns qui risquaient de gêner sa marche vers l'absolutisme : Conseil constitutionnel, Conseil d'Etat encore que l'usage du conditionnel exprimerait mieux ces théories qui resteront à l'état de fantasme. La preuve de la vitalité d'un pays que Mitterrand perçoit comme anesthésié éclate 4 ans après la publication du pamphlet, avec les évènements de mai 68 qui montrent la capacité de mobilisation et d'expression de la population. [...]
[...] C'est de cette volonté que naît la crise de 1962 : contre l'avis de tous les partis qui y voit une occasion unique de désavouer de Gaulle et de retourner aux anciennes pratiques de la IVe, de Gaulle propose le vote de cette mesure par référendum. Le peuple français approuve le projet gaullien, renforçant ainsi son emprise sur la Ve et donnant aux futurs présidents les moyens de perpétuer l'autorité du président. Mitterrand conteste à De Gaulle la légitimité nécessaire pour entreprendre de telles actions. [...]
[...] Reniant la réalité d'une légitimité historique, ne s'appliquant qu'à un temps donné et révolu, Mitterrand critique la prééminence d'un seul homme, y voyant un nouveau signe de la renaissance de la dictature en France. Dans la crise de 1962, il récuse l'usage du référendum, héritier des plébiscites napoléoniens, et affirme l'autorité suprême des parlementaires, émanation directe du peuple français. Contre l'instauration d'un régime nouveau survit la volonté d'un retour au parlementarisme. L'exercice du pouvoir Mais c'est surtout l'exercice du pouvoir qui déclenche les passions, la marche au présidentialisme réveillant chez les critiques du régime les peurs d'une dérive autoritaire. [...]
[...] Se revendiquant d'Alain quand il prône la vigilance, Mitterrand s'inscrit finalement dans la lignée des polémistes, effrayant l'opinion publique de chimères à défaut de la faire réfléchir sur des données véridiques. II) Le pamphlet et la réalité Mitterrand et le procès d'intentions Qu'est-ce que le gaullisme depuis qu'issu de l'insurrection il s'est emparé de la nation ? Un coup d'Etat de tous les jours : c'est ainsi que Mitterrand résume la mise en place par De Gaulle de la Ve République. [...]
[...] Nommé président du Conseil, il entreprend une double action, sur les plans militaire et civil. S'attachant d'abord à résoudre la crise la plus urgente, il parvient à se garantir du soutien de l'armée, et met fin au putsch, assurant les officiers de son attachement à l'Algérie française. Il peut ensuite s'atteler à la construction d'un nouveau régime, la Ve République, répondant à sa vision d'institutions efficaces. Au sauvetage de la nation, que de Gaulle invoque comme justification de son retour au pouvoir, Mitterrand oppose la théorie du complot. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture