C'est en tant que représentant de la gauche, mais également en tant que défenseur des principes du parlementarisme contre ce qu'il considère comme une « monarchie républicaine » que Mitterrand s'oppose au gaullisme, c'est-à-dire à la forme donnée par de Gaulle à la Vème République, qui est pour Mitterrand une véritable dictature. Son argumentation s'appuie donc sur trois points : un procès de la IVème République, un procès des méthodes gaulliennes d'accession au pouvoir, qui sont des méthodes de coup d'Etat, et la dénonciation des mécanismes de la mise en place d'un « coup d'Etat permanent », c'est-à-dire la validation par de Gaulle et par les institutions de la Vème République de cette situation dictatoriale
[...] Il faut là distinguer la période gaullienne, évoquée par Mitterrand, et la suite de la Vème. Deux contre-pouvoirs essentiels sont en effet remis en cause sous de Gaulle, avant qu'ils ne se libèrent progressivement sous la Vème : la justice et la presse. En ce qui concerne la justice, de nombreux griefs peuvent être faits à de Gaulle. C'est en effet à cette époque qu'apparaissent les premières critiques à l'égard du Conseil Constitutionnel, institution qui se doit pourtant d'être intouchable parce que fondamentale dans la sauvegarde de l'Etat de droit. [...]
[...] Ce projet, qui visait ainsi à réformer la Constitution, ne pouvait en effet être mis en œuvre qu'en vertu de l'article 89, qui traite de la révision constitutionnelle par la voie du référendum. En détournant l'article 11, de Gaule a gravement contrevenu à la lettre de la Vème, sans que le Conseil Constitutionnel ne pipe mot. Et si de Gaulle avait raison de vouloir cette réforme, on ne peut tolérer que dans un Etat de droit, le chef de l'Etat lui-même ne se sente lié par la Constitution. [...]
[...] Mais ce contexte tendu ne suffit pas à expliquer ce que Mitterrand appelle le coup d'Etat de tous les jours et que l'on peut définir finalement comme la mise sous tutelle des contre-pouvoirs de la Vème République. Cette mise sous tutelle des contre-pouvoirs, leur incorporation en un seul pouvoir, de Gaulle le souhaitait et ne pouvait concevoir les institutions de la Vème République autrement. Pour lui, tous les pouvoirs devaient procéder du Président de la République, et il applique ce principe parfois au mépris de la Constitution. [...]
[...] Pourtant, il apparaît que la réalité est plus nuancée que le récit qu'en fait Mitterrand. La IVème s'est effondrée parce qu'elle était inadaptée à la France d'après la reconstruction, et que la structure des partis ne pouvait que la rendre invivable, comme, avant elle, la IIIème République. Et c'est finalement avec la crise algérienne que le régime s'effondre. Dans cela, jamais de Gaulle n'a joué de rôle. Plus encore, ce sont les hommes politiques qui font appel à de Gaulle pour régler la question. [...]
[...] En biaisant la Constitution, en la bafouant, en l'interprétant à son avantage, de Gaulle opère un coup d'Etat constitutionnel qui constitue un second rouage à son coup d'Etat permanent. En effet, de Gaulle voudrait exercer un consulat éclairé sur la France. Mais ce projet ne peut aboutir qu'à la condition que la France s'abandonne à lui sans aucune résistance. La moindre opposition qui remettrait en cause sa légitimité lui est de ce fait insupportable, et est pourquoi Mitterrand écrit : J'appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c'est à cela qu'il ressemble le plus, parce que c'est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu'inéluctablement il tend, parce qu'il ne dépend plus de lui de changer de cap. [...]
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