L'émergence au sein du jeu politique de nouveaux acteurs tels que les médias, les instituts de sondage et les sociétés spécialisées en marketing politique ne va pas sans questionner le fonctionnement de nos démocraties.
Médias et sondages représentent l'agora moderne de la communication politique. La maturité technique atteinte par les sondages contribue en effet à entretenir un dialogue permanent entre les gouvernants et leurs électeurs qui était autrefois plus sporadique, réduit aux seules consultations électorales. Grâce aux enquêtes d'opinion, la population manifeste régulièrement son sentiment sur les décisions publiques. Les sondages, en tant que porte-parole des citoyens, contribuent ainsi au jeu démocratique.
D'où vient alors ce discrédit dont ils font l'objet ? Pourquoi sont-ils jugés antidémocratiques ? A ces questions qui nous interpellent Patrick Champagne dans son ouvrage "Faire l'opinion, le nouveau jeu politique" donne ses réponses sur fond de polémique.
[...] Il accuse les politologues de se servir de façon machiavélique des sondages à des fins de manipulation du "nouveau jeu politique" pour le compte de la classe dominante. Cette critique acerbe est omniprésente tout au long de l'ouvrage. Pourquoi une telle obstination ? Parce que, pour lui, ce spécialiste des enquêtes d'opinion est pervers. ; il déguise son implication politique derrière sa "prétention scientifique", corrélée à d'incontournables impératifs commerciaux. Ainsi, Patrick Champagne s'ingénie à démasquer la mascarade des politologues qui ont imposé cette nouvelle croyance, et d'autre part, à révéler la manipulation elle-même, c'est-à-dire le processus par lequel les spécialistes font "parler le peuple" à travers la procédure des sondages d'opinion un peu à la manière d'un ventriloque qui prête sa voix à ses marionnettes (p. [...]
[...] Elle n'est pas une opinion qui s'exprime publiquement. Il dénonce ici la méthode des échantillons représentatifs utilisée dans la plupart des enquêtes d'opinion. Les sondeurs transformeraient en opinion publique des opinions privées recueillies auprès d'un millier d'individus. Les sondages peuvent-ils nous tromper ? Dans son ouvrage Patrick Champagne tente de démontrer que les sondages d'opinion ont pour effet d'induire le conformisme en divulguant l'opinion qu'ils sont censés mesurer, de ce fait, ils permettent une manipulation efficace de l'opinion contribuant à contrôler les individus. [...]
[...] Autre conséquence de l'intervention des médias dans le champ politique : l'émergence du politique spectacle. Le phénomène le plus marquant est sans doute la personnalisation des stratégies de campagne électorale au cours desquelles on insiste désormais plus sur l'image projetée par les hommes politiques que sur le fond des débats, comme le fait remarquer Patrick Champagne, à propos du fameux duel télévisé qui opposa Jacques Chirac à Laurent Fabius le 27 octobre1985 (p. 169) . La légitimation croissante de ces nouveaux acteurs en fait, conduit à la fermeture progressive du champ politique. [...]
[...] Nous sommes ici au centre de la vision polémique des sondages défendue par l'auteur. Selon lui, la classe politique approuve les sondages d'opinion, justement parce que ceux-ci s'apparentent au mode de scrutin électoral et autorisent la production d'une "volonté générale" abstraite et apparemment consensuelle. Ce qui permettrait de neutraliser certaines manifestations en minimisant le poids effectif des minorités actives et bruyantes en les diluant dans les "majorités silencieuses" produisant du même coup un consensus plus apparent que réel (p. 62). [...]
[...] À ces questions qui nous interpellent Patrick Champagne dans son ouvrage Faire l'opinion, le nouveau jeu politique donne ses réponses sur fond de polémique. Les sondages source de légitimité En 1973, Pierre Bourdieu lançait son fameux "l'opinion publique n'existe pas" Près de vingt ans plus tard, son disciple le contredit sur un point : "si l'opinion existe". Non pas que Patrick Champagne rompe avec l'analyse de Pierre Bourdieu. Au contraire, il remarque que depuis deux décennies les politologues ont réussi à asseoir la croyance en l'existence de l'opinion publique telle qu'elle est mesurée par les instituts de sondage. [...]
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