"Les cultures politiques en France", Serge Bernstein

Résumé du document

Le terme "culture politique" est très largement usité alors que pendant très longtemps personne n'a réfléchi à son usage et qu'aujourd'hui, beaucoup l'utilisent à mauvais escient. Or cette réflexion est cruciale en cela que tout acte politique s'explique le plus souvent par référence à un système de représentation partagé par un groupe assez large au sein de la société.

Dans ce contexte, l'ouvrage de Serge Bernstein "Les cultures politiques en France" se chargera d'étudier la France, et plus précisément la période contemporaine courant de la Révolution française à nos jours. Il existe dans la France des XIXe et XXe siècles une pluralité de cultures politiques. Leur naissance ne doit rien au hasard de la contingence, mais en réalité, elles apparaissent en tant que réponses à des problèmes posés et naissent de manière générale en réponse à de graves crises politiques.

Extraits

[...] Cela se manifestera également par l'existence de ligues remettant régulièrement en cause le régime parlementaire. Les partis sont ainsi dénoncés comme confisquant la souveraineté nationale et le parlement est jugé bavard et inefficace. Les partis faussent l'expression du suffrage universel. Ces ligues se situent donc hors du jeu politique et se présentent comme des forces politiques antisystème. Dans cette configuration le gaullisme a pu apparaître comme représentant ces idées, de manière plus atténuée. Le gaullisme est en effet avant tout un réflexe patriotique et nationaliste. [...]

[...] Pour autant, la guerre mit à mal ces positions : parce que la république était attaquée, et parce que la république devait être sauvée afin de pouvoir devenir un jour le cadre d'un futur état socialiste, le patriotisme fut fortement réactivé en 1914 chez les socialistes. Après la guerre les socialistes défendront à nouveau la paix mais cela leur coûtera cher lors de la conférence de Munich et cela traumatisera très longtemps la mémoire socialiste. La troisième tension réside dans les rapports entretenus avec le PCF, ce frère ennemi. La coupure eut lieu en 1920 lors du congrès de Tours où la défiance a primé. Et ce conflit verra son point culminant lors de la guerre froide. [...]

[...] C'est ainsi que la culture libérale est parvenue à constituer un corpus de références et de principes qui vont influencer d'autres cultures politiques. La culture libérale valorise l'apprentissage de la politique par l'écrit et la lecture, mais elle sera longtemps hostile au droit d'association ou de réunion. Selon eux seule la presse peut être un vecteur de diffusion, la véritable voie de la raison. Mais elle a aussi fait longtemps figure de culture de l'encadrement et de contrôle des formes prédémocratiques et démocratiques. Certains traits de la culture libérale accentuent cette méfiance du peuple et rejettent ainsi la procédure élective. [...]

[...] Les formes de la société politique française sont longtemps restées assez proches des valeurs libérales. Mais si la culture libérale a pu maintenir sa domination et prolonger son influence, elle le doit à une certaine vision de la société. Ne niant pas l'existence de classes et des conflits sociaux, la culture libérale n'est pas hostile à l'établissement de solutions pratiques. De plus, l'élite libérale a fait de ses valeurs la prévoyance, l'épargne et le labeur. Elle a aussi favorisé le réformisme social. [...]

[...] Ainsi, le PCF faisait preuve d'une très grande dépendance organisationnelle et humaine vis-à-vis de l'URSS. Mais le PCF a réussi à fonder une culture politique communiste officielle à l'échelon national, une culture accordant une grande place à l'imaginaire mobilisateur. Et de tout temps il tenta de préserver la pureté de son contre-modèle. La décomposition de ce modèle commença lors des années 1950, à la déstalinisation et s'accéléra avec les mutations qui bouleversèrent la classe ouvrière, le recul du collectif au profit de l'individu, l'affadissement du modèle incarnatif de la démocratie au profit du modèle représentatif ainsi que la rapide détérioration de l'image de l'URSS. [...]