Dans une bataille aussi féroce que celle qui s'est déroulée cette année à l'occasion de la campagne présidentielle, chaque mot compte, chaque intervention, qu'elle soit publique ou privée, peut être décisive. Dans ce contexte politique où la présence médiatique est constante, le poids des mots est primordial et parfois révélateur. Il fut souvent reproché à Ségolène Royal, candidate à la tête du Parti Socialiste (PS), ses petites phrases, souvent lancées dans le feu de l'action et au sens souvent énigmatique. Certaines expressions lui permirent pourtant de capter l'attention de l'électorat et guidèrent la compréhension de son programme politique. Le 11 février 2007, à soixante-dix jours du premier tour des élections présidentielles, Ségolène Royal et le Parti Socialiste, rassemblés pour l'occasion à Villepinte pour un meeting à l'américaine, nous dévoilèrent pour la première fois leur « Pacte présidentiel » et livrèrent un discours de présentation générale de son contenu et de ses orientations. Il s'agit donc là d'un moment clé de la campagne qui marque pour les socialistes le tournant entre la phase initiale de consultation populaire (qui avait vu Ségolène Royal se déplacer dans toute la France afin d'aller à la rencontre des citoyens et d'écouter leur revendication) et leur entrée de plein pied dans le combat politique, avec comme objectif de remporter les élections prévues au mois de mai 2007. Dans une allocution de près de deux heures, la candidate socialiste nous livre donc la conclusion de ces travaux préliminaires, sa vision à long terme et ses ambitions une fois à la tête de l'Etat. Ce discours considéré par beaucoup comme « fondateur » nous offre donc une synthèse de la pensée du PS et plus globalement d'une partie de la gauche en 2007.
[...] Dans sa démarche de persuasion, Ségolène Royal énumère de nombreux cas concrets en citant de façon aléatoire des prénoms et des situations qu'elles jugent révélatrices de l'état dans lequel se trouve la France. Ségolène Royal fait donc appel dans cet exercice oratoire plus aux sentiments et à l'émotion que véritablement à l'esprit critique de son auditoire. Cette tactique se révèle alors au service de la proclamation d'une idéologie de gauche, qu'elle se doit de faire fructifier. Ce discours, puisqu'il inaugure la phase la plus rude de la bataille pour l'élection présidentielle, se fait donc la vitrine de la pensée de la gauche et plus spécifiquement du PS sous sa forme actuelle. [...]
[...] Et puis il y a la violence dans les quartiers. Où en sont-ils, les quartiers, un an après les émeutes ? Est-ce parce qu'on les entend moins ? Est-ce parce que la machine à images a cessé de s'intéresser à eux, et de concentrer sur eux son faisceau de lumière que le problème est résolu ? Quelles réponses ont été données aux appels à la justice, à l'égalité des chances, à la sécurité qui se sont exprimés avec une telle exaspération ? [...]
[...] Les jeunes doivent faire des efforts, les jeunes doivent respecter la loi, les jeunes doivent respecter la discipline scolaire, mais la Nation doit les regarder comme étant à égalité parmi tous ses enfants de la République et leur redonner la fierté d'eux-mêmes, leur assurer que les discriminations reculent, leur tendre la main à chaque fois qu'ils trébuchent pour les faire à nouveau tirer la France vers le haut. Non, je ne veux pas de cette société. Il ne faut pas laisser faire cette société du tous contre tous et du chacun pour soi. [...]
[...] Chers amis, une chose que j'ai comprise, et que je savais déjà, je peux vous en faire la confidence, pendant ce temps où je me suis mise à l'écoute des Français et des Françaises, c'est qu'ils aiment profondément la France. Et comme ils l'aiment vraiment, comme nous l'aimons vraiment et nous l'aimons grande, ouverte, accueillante, soucieuse de la misère du monde, c'est ce souci aussi que je veux porter, c'est ce message auquel je veux être fidèle. On dit les Français égoïstes, repliés sur eux-mêmes et leurs petits soucis, mais tout dépend de ce qui leur est proposé car notre peuple est aussi un peuple généreux, c'est le peuple qui a inventé les Médecins sans frontières et les Médecins du monde, c'est l'un des peuples où le mouvement associatif est le plus vivant. [...]
[...] Par l'utilisation qu'elle fait de la première personne dans son discours, elle marque clairement son acceptation du caractère présidentiel du régime. On remarque donc une dialectique du je et du vous témoignant du rapport direct qu'elle entretient avec le peuple français et qui se trouve sceller dans son pacte présidentiel. On constate donc l'acceptation par la gauche de cette nécessaire incarnation du pouvoir dans la personne de Ségolène Royal malgré sa culture de gouvernement collégial. Ce lien entre Ségolène Royal et le peuple est mis en valeur par la notion de démocratie participative : elle seule aurait été capable d'écouter les doléances des citoyens et de les respecter. [...]
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