Si l'on se réfère au texte de la Constitution de la Ve République, le premier ministre est un acteur majeur de nos institutions et constitue le véritable chef de gouvernement. En effet, l'article 20 dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Pourtant, la pratique des institutions prévalant sous la Ve République a accordé une place prééminente au Président de la République à tel point que le régime, de jure un régime parlementaire, a connu une dérive présidentialiste. Cet écart entre la lettre et la pratique est porteur de confusion. L'indétermination dans la dyarchie au sommet de l'Etat a atteint son paroxysme lors des périodes de cohabitation. Constatant la confusion des pouvoirs régnant au sein de l'exécutif, de nombreux constitutionnalistes et personnalités politiques, au nombre desquels Edouard Balladur, Georges Vedel et Jack Lang ont défendu la mise en place d'un régime présidentiel qui entraînerait la suppression de la fonction de premier ministre ou la réduirait à un simple rôle de chef d'état-major dépourvu de responsabilité devant le Parlement. Il n'en demeure pas moins que le premier ministre constitue une institution essentielle dans l'histoire constitutionnelle française. C'est pourquoi Charles de Gaulle considérait « il est normal chez nous que le Président de la République et le premier ministre ne soient pas un seul et même homme », confirmant ainsi l'attachement viscéral des Français à l'égard de cette figure de l'exécutif. Responsable devant le Parlement, il incarne en effet le contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif. Ainsi, d'autres personnalités, telles que Guy Carcassonne, prônent une clarification institutionnelle par l'instauration du primo-ministérialisme.
Dès lors, une alternative s'ouvre. Dans une optique consistant à résoudre la confusion entre les deux têtes de l'exécutif, faut-il supprimer le premier ministre ou bien, au contraire, renforcer ses prérogatives ?
[...] La pérennité du régime présidentiel américain repose depuis le XVIIIe siècle sur une collaboration entre le Président et le Congrès. Ainsi, le président dispose de larges pouvoirs, sa légitimité fondée sur l'élection universelle ne peut être renversée ; tandis que le Congrès ne peut pas être dissout. La séparation rigide des pouvoirs y est équilibrée par la coopération entre la présidence et le Congrès, le président doit en effet faire preuve d'une grande capacité de persuasion, mais aussi de consensus pour arriver à progresser dans la mise en œuvre de sa politique. [...]
[...] Pour citer encore une fois Jean Massot, le Premier ministre est, en période de cohabitation, "capitaine à l'intérieur, mais second du navire à l'extérieur". Quoi qu'il en soit, on observe donc comme l'existence de plusieurs "Ve Républiques", en fonction des couleurs politiques et des types de majorités élues à l'Assemblée. Cette succession de périodes très différentes a conduit à une confusion parfois très forte entre les rôles de chef de l'État et de chef du gouvernement, entre Président de la République et Premier ministre. [...]
[...] Cela s'explique parce que les élections présidentielles sont une compétition entre plusieurs candidats présentés par des partis politiques pour la plupart. L'enjeu est tel dans un régime présidentiel que la personnalisation du pouvoir et de la compétition est d'autant plus forte. Par conséquent, la compétition d'idées et de programmes devient plus une compétition entre personnalités. Voilà pourquoi d'après Linz la porte est dangereusement ouverte aux outsiders. Ce danger s'est vu confirmé au Brésil, ou encore au Pérou avec l'élection d'Alberto Fujimori en 1990. L'histoire française garde en mémoire les échecs des organisations proches de ce régime. [...]
[...] Les solutions à apporter sont multiples. D'abord, élections législatives et élections présidentielles doivent être déphasées. Les mandats présidentiels doivent acquérir un rythme propre. C'est pourquoi il est nécessaire de revenir sur la réforme constitutionnelle de 2000 instaurant le mandat présidentiel de cinq ans. Mais cela ne suffit guère, étant donné que la pratique présidentialiste de la Ve République est née bien avant l'an 2000. Un deuxième élément contribuant à instaurer une présidence parlementaire serait le non-renouvellement du mandat. Au lieu d'être un poste de pouvoir, la Présidence de la République deviendrait une fonction honorifique où disparaît la préoccupation de faire campagne et d'être réélu. [...]
[...] Ils reprennent ainsi les idées de Léon Blum ou M. Debré qui s'y déclaraient favorables durant la IVe République. Toutefois, la campagne menée par ces personnalités au printemps 1956 essentiellement n'est pas reçue favorablement par la classe politique qui reste attachée au parlementarisme, ce qui s'est traduit par une disposition de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 obligeant la Ve République à rester un régime parlementaire. Le régime présidentiel apparaît néanmoins sous la Vème République comme une réponse au parlementarisme français qui a dégénéré plusieurs fois en régime d'assemblée dans l'histoire constitutionnelle française. [...]
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