L'élection présidentielle de 2007 a été le théâtre de bien étranges comportements électoraux des français. En contradiction totale avec les modèles explicatifs du vote, on a constaté qu'une large part de l'électorat ouvrier s'était tournée vers le candidat de droite, Nicolas Sarkozy. Cette constatation a alimenté l'idée d'une volatilité électorale croissante. Mais que désigne-t-on par cette expression?
Le terme "volatilité" est issu de la chimie où il décrit une substance qui s'évapore et disparaît facilement. Appliqué au comportement des électeurs, il en indique le caractère variable, insaisissable, voire instable. L'utilisation de l'expression "volatilité électorale" a traduit la perplexité des chercheurs de la fin des années soixante, confrontés à la remise en cause du rapport entre classe et parti et par là même du paradigme de Michigan. Selon Nonna Mayer, on définit ces modèles explicatifs du vote comme des représentations simplifiées et principes d'intelligibilité du phénomène étudié. La volatilité n'est pas un concept. C'est une expression péjorative qui décrit des électeurs mobiles, dont le vote est imprévisible. Y-a-t-il, comme cette expression le laisse entendre, une hausse des comportements de mobilité? Ce nouveau phénomène remet-il en cause des modèles explicatifs du vote caractérisés par leur stabilité? Cette question prend toute son importance car dès lors que l'on établit un lien entre volatilité électorale et instabilité du système, il est à craindre que la gouvernabilité du pays soit remise en cause. En somme, la volatilité électorale remet-elle en cause les modèles explicatifs du vote?
[...] Nie, Verba et Petrocik, en étudiant les comportements aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne dans les années soixante-dix, ont identifié cinq phénomènes qui témoignent de cette autonomisation du choix. D'une part, de moins en moins d'électeurs ont une identification forte à un parti. La proportion des indépendants aurait doublé entre 1964 et 1974. En outre, il n'y a plus de lien systématique entre identification partisane et vote. Les électeurs se déterminent de moins en moins en fonction de l'étiquette partisane que porte un candidat. Par ailleurs, on constate la multiplication des attitudes de plus en plus négatives à l'égard des partis. [...]
[...] L'idée première est celle d'une faible sophistication politique des individus. Les citoyens sont perçus comme mal informés, primitifs, bien éloignés de l'électeur rationnel idéal du modèle démocratique. Selon les termes de Loïc Blondiaux, le votant se caractérise par faible niveau] de conceptualisation avec une compréhension idéologique limitée et biaisée des enjeux", "une faible information sur les détails institutionnels du gouvernement, l'identité des partis ou des gouvernants et les enjeux principaux du moment", "une participation politique minimale, avec l'élection comme seule activité politique à être accomplie par un nombre significatif de personnes", un faible niveau d'association, et "une faible cohérence des positions sur les enjeux". [...]
[...] Or, il y a érosion du thème de la lutte de classe et affaiblissement des religions - du moins de leurs institutions. De plus en plus d'individus sont donc sujets à la mouvance. On constate en conséquence une hausse de la mobilité, en particulier vers l'abstention mais aussi vers la gauche et pour les non-pratiquants vers l'extrême droite. La volatilité électorale constatée ces trente dernières années, témoignage d'un vote plus individualisé semble rendre obsolète les modèles psychosociaux d'explication du vote. [...]
[...] La mouvance très forte des partis est très délicate à considérer. Prenons l'exemple de l'UDF. Comment appréhender une formation qui a connu une dizaine de configurations et d'appellations différentes? L'offre politique n'est pas statique, ce qui perturbe les mesures. En somme, selon les mots de Patrick Lehingue: "c'est la nature intrinsèquement évolutive de l'espace politique comme espace de positions à la fois concurrentes et interdépendantes qu'il faudrait constamment garder à l'esprit, avant même de jauger de juger l'éventuelle mobilité des électeurs. [...]
[...] La mobilité de ces électeurs reste réduite en amplitude, et donc on ne peut parler d'une abolition du clivage gauche/droite, structurant des modèles d'explication du vote. Selon Anne Jadot, une très faible identification partisane explique la mobilité de forte amplitude, qui traverse la frontière gauche/droite notamment. Par ailleurs, on peut penser que les modèles explicatifs du vote contiennent les éléments de compréhension de la volatilité électorale. En effet, le clivage gauche/droite est le résultat de l'articulation entre les clivages de classe et de religion. [...]
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