« Ensemble tout devient possible » disait l'autre. Dans cette soupe verbale néo-chrétienne, où le mensonge de l'amour collectif barbotte salement, baigne une « vérité » que la télévision a réalisée et qui est peut-être l'une des plus grosses horreurs politiques : le rêve de la volonté générale consommé dans le cauchemar de la soumission de masse.
La télévision est chronophage, or la pensée est le temps, donc il n'y a pas de pensée à la télévision. L'idée de cet article est de montrer qu'à défaut d'éduquer, d'enrichir le téléspectateur pour qu'il soit en mesure de faire un usage libre et critique de sa pensée, la télé ne fait que diluer les esprits dans un faux consensus. Mieux, elle perpétue le mythe d'une volonté générale. Ceci est possible par l'annihilation du temps de la réflexion.
[...] Dans cet ordre souvenons-nous de la libération d'Ingrid Betancourt qui donna lieu à tout un déploiement passionnel de bons sentiments mais en laissant de côté les questionnements importants relatifs à l'arrière-plan politique de cette affaire. Nommons sans hésiter : BHL, Alain Minc, Jaques Attali, Guy Sorman, Alexandre Adler, et tous les journalistes, omniprésents dans le champ télévisuel, qui nous assènent leurs analyses qui n'ont ceci de réellement remarquable que le fait qu'elles sont toutes les mêmes Source innommable. Au-delà du vrai et du faux ou le malin génie de l'image, in L'ère du faux, autrement série mutation janvier 1986. [...]
[...] Puisque le temps qu'il reste, en dehors des instants de gavage du vingt-heures et autres éditions, c'est du temps de cerveau disponible pour coca-cola[3] histoire de vous rendre suffisamment gros pour que vous ne quittiez plus le confort du canapé depuis lequel on vous promet un accès rapide à un monde-image qui devient immédiatement votre réalité * Attardons-nous sur la question de l'image télévisuelle. Plus haut nous disions qu'elle a un effet de réel Plus encore, pour Baudrillard[4], elle remplace le réel. Elle offre un semblant de rapport à la réalité. L'image n'a pas d'objet, elle le consomme et se fait passer pour le réel. [...]
[...] Un double mouvement caractérise la télé : elle crée des catégories de pensée qu'elle impose aux téléspectateurs comme des vérités et ceux-ci, en retour, s'ils doivent se mobiliser, s'ils ressentent un besoin, de plus en plus difficile à déployer, d'être citoyens sur la place publique, ils sont obligés de le faire dans les limites, qui sont aussi la condition de possibilité de leurs discours, du politiquement correct télévisuel. En définitive, nous avons affaire à l'uniformisation des modes d'expression politique ainsi qu'à l'empêchement de la subversion. C'est dans un conformisme général qu'est réalisé le rêve de la volonté générale Pas de critique donc. Nous pourrions nous attarder longuement encore sur les phénomènes qui suppriment le temps de la réflexion insoumise et de son expression originale. [...]
[...] La denrée la plus rare de la télévision c'est le temps disait Bourdieu dans son émission Sur la télévision. Dès lors, il n'est pas possible de formuler des critiques via le support télévisuel. En effet, l'exemple des journaux télévisés est particulièrement parlant. Puisqu'ils sont censés être les médiateurs des événements politiques, ils devraient être les publicistes critiques des actions politiques auprès des citoyens, mais ils ne font que rapporter des idées reçues que personne ne prend pas le temps de remettre en cause. [...]
[...] Or, voilà, la publication télévisuelle a transformé cela en horreur: les pensées sont uniformisées. Pourquoi est-ce horrible? Parce que continuer à croire qu'une volonté générale est possible, dans laquelle les hommes trouveront le salut et la félicité, permet de déguiser le conformisme en volonté populaire. L'idéologie démocratique classique du vivre ensemble universel (comme chez les bisounours) continue de masquer le caractère nécessaire d'une démocratie agonistique. La pluralité des composantes d'une société est et sera pour ce siècle la matrice de conflits et, par là, notre horizon politique. [...]
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