En réaction contre la prépondérance du Parlement sous la IIIème République et de l'Assemblée nationale sous la IVème, le constituant de 1958 a tenté de renforcer l'exécutif en faisant du président un arbitre doté d'un certain nombre de pouvoirs propres, comme le figure les articles 5 et 19 de la constitution, et en faisant du premier ministre une " institution politique centrale " selon les termes d'Hugues PORTELLI.
La présidence dans la Cinquième République est la plus haute fonction de l'État. En effet, le Président de la Ve République dispose de pouvoirs étendus, et la pratique du pouvoir fait de lui, hors période de cohabitation, un quasi-monarque républicain. Il dispose en effet d'importantes prérogatives, comme la dissolution, ou de pouvoirs constatés par la pratique au point qu'on parle de présidentialisme pour parler du régime mis en place par la Vème république. En effet, ces pouvoirs ne sont pas contrebalancés dans le jeu institutionnel par une quelconque responsabilité devant le Parlement, mais par une responsabilité de fait devant le Peuple. D'autre part, sous la Vème république, le Premier ministre est le chef du gouvernement. Cette fonction succède à celle de président du Conseil des deux Constitutions précédentes. Dans la pratique le rôle du Premier ministre dépend de la situation politique au point que l'exercice de cette fonction en période de cohabitation fait tendre la nature la Vème république vers un régime parlementaire. La Constitution placerait théoriquement le Premier Ministre dans une position de subordination à l'égard du Chef de l'Etat puisque ce dernier est la seule autorité habilitée à accepter la cessation volontaire de ses fonctions. Ainsi, le président serait le « supérieur hiérarchique » du premier ministre et ce dernier exercerait ses fonctions sous sa dépendance.
Suite à la victoire de la droite aux élections législatives en 1986, François Mitterrand, issu du Parti Socialiste, nomma Jacques Chirac, président du RPR, comme premier ministre. Cette nomination donna lieu à une situation nouvelle que l'on nomma la « cohabitation », le Président de la République et le premier ministre appartenant à des groupes politiques opposés. Lorsqu'il a le soutien de la majorité parlementaire il semble jouer un rôle primordial mais si celle-ci lui fait défaut alors son rôle est nettement plus effacé. Il semble alors intéressant de se demander comment l'irruption du phénomène de la cohabitation a pu modifier la perception du rôle du premier ministre qui était jusqu'alors caractérisé par sa subordination au président de la république. Comment se manifeste le caractère inégalitaire de l'exécutif et la subordination primo ministérielle qui en découle selon le contexte politique dans lequel on se trouve, c'est-à-dire en cas de concordance ou de discordance des majorités?
Dans le cadre d'une concordance des majorités, le chef de l'Etat gouverne en s'appuyant sur sa majorité parlementaire et le Premier Ministre n'étant de fait que son collaborateur : le premier ministre est alors subordonné au Président de la République (I). Néanmoins, en période de discordance des majorités, de « cohabitation », le 1er ministre est le chef de l'exécutif. En effet, conformément à la constitution le président se cantonne dans sa fonction d'arbitre, face à un gouvernement et à une majorité parlementaire qui lui est politiquement hostiles (II).
[...] D'ailleurs, au mois de janvier 1964, le président de Gaulle posait clairement la règle en disant que le président de la République peut se séparer de son premier ministre dans deux hypothèses soit parce que se trouve accomplie la tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuvait plus Cette responsabilité peut, somme toute, paraître logique puisqu'on ne saurait concevoir que le premier ministre choisi et nommé par le Président de la République se maintint en place contre la volonté de celui-ci. Ainsi, le premier ministre déjà responsable devant l'Assemblée nationale l'est aussi devant le président. En pratique, lorsque le Chef de l'Etat le demande au premier ministre, celui-ci obtempère, soucieux de respecter les us et coutumes de la V ème République. [...]
[...] De plus, l'autorité du premier ministre est accrue par la liberté dont il dispose pour composer le gouvernement. En effet, si en théorie le premier ministre choisit les membres du gouvernement en période de concordances des majorités, ces derniers sont souvent les hommes de confiance du président En période de cohabitation, le premier ministre retrouve sa liberté de choix. Cependant, il faut noter que le président peut refuser de nommer les personnalités proposées comme ministre des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, au regard des pouvoirs dont il dispose dans ces trois secteurs. [...]
[...] De ce fait, on ne peut pas vraiment parler de subordination du premier ministre par rapport au Président en période de discordance des majorités. Néanmoins, les conditions de nomination du premier ministre auraient pu tendre à le transformer en un instrument de sa majorité parlementaire, voire le subordonner à l'assemblée. Alors que l'Assemblée nationale pourrait assumer une place prépondérante dans les relations entre les deux branches de l'exécutif, paradoxalement il n'en est rien. En dépit des changements constitutionnels intervenus en 1995, l'Assemblée demeure, plus que jamais, la "chambre enregistreuse " du gouvernement. [...]
[...] Cependant, la pratique constitutionnelle en période de concordance des majorités a révélé la subordination du premier ministre au Président de la République : en effet, le premier ministre est politiquement dépendant du Président et exerce ses pouvoirs sous sa tutelle A. Un premier ministre politiquement soumis au Président de la République Si les conditions de nomination du premier ministre démontrent la dépendance du chef de gouvernement à l'égard du chef de l'Etat la soumission du premier ministre au président est d'autant plus grande que le chef de l'Etat le nomme et le révoque librement, bien qu'aucun article n'ait pas établi de responsabilité politique de Matignon devant l'Elysée 1. [...]
[...] Cette nomination donna lieu à une situation nouvelle que l'on nomma la cohabitation le Président de la République et le premier ministre appartenant à des groupes politiques opposés. Lorsqu'il a le soutien de la majorité parlementaire, il semble jouer un rôle primordial, mais si celle-ci lui fait défaut alors son rôle est nettement plus effacé. Il semble alors intéressant de se demander comment l'irruption du phénomène de la cohabitation a pu modifier la perception du rôle du premier ministre qui était jusqu'alors caractérisé par sa subordination au président de la République. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture