« Le Président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ». Par ces mots, la Cour de cassation a mit un terme à la controverse qui durait depuis 3 ans et demi autour du statut pénal du chef de l'Etat. Retour sur une question juridique complexe, débouchant sur un enjeu politique majeur.
Le 17 mai 1998, Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, lance au cours de l'émission d'Europe 1 Le Club de la Presse, une « petite phrase » qui va allumer la mèche d'un très gros pétard… Réagissant aux déclarations de Robert Galley, ancien trésorier du RPR, qui avait déclaré au magistrat instructeur de l'affaire du financement du parti Gaulliste que Jacques Chirac lui avait demandé des « efforts d'imagination » pour alimenter les caisses du RPR[1], Elisabeth Guigou affirme que « comme tous les Français, le Président de la République peut être traduit devant les tribunaux s'il a commis des délits ». Il n'en fallait pas plus pour déclencher une polémique autour du statut pénal du Président et un inquiétant imbroglio, à la tête de l'Etat, oscillant entre débats doctrinaux alambiqués et manœuvres politiques.
[...] ( ) parce qu'elle plaçait plusieurs enquêtes dans l'impasse et qu'elle avait été prise sous la résidence de Roland Dumas, lui-même aux prises avec la justice, la décision du Conseil constitutionnel avait suscité de nombreuses critiques Une étrange note disparue du site Web du Conseil constitutionnel, G.C. et H.G., Le Monde du 11 octobre 2001. Un vote des deux assemblées à la majorité absolue, en l'occurrence (voir note 3). Cela constitue dans la pratique parlementaire un obstacle important, et une condition quasiment inatteignable compte tenu de la conjoncture actuelle (cohabitation et implication de la France en Afghanistan notamment). Président intouchable, Armelle Thoraval, Libération du 11 octobre 2001. [...]
[...] Difficile, en effet, de recueillir les signatures nécessaires à l'organisation d'un vote de mise en accusation de Jacques Chirac devant la Haute cour de justice. Et comment, a fortiori, obtenir ensuite, la majorité absolue au Parlement lors du vote de mise en accusation, le Sénat soutenant le chef de l'Etat et les députés se trouvant liés à son sort de par les affres de la cohabitation ? La proposition Montebourg apparaissait dès lors une initiative plus symbolique politiquement que réellement efficace juridiquement. [...]
[...] Dès lors, la juridiction judiciaire suprême se déclarait compétente pour dire le droit sur ce point. D'attendu en attendu, la Cour de cassation déduisit alors son interprétation quant au champ de compétences des différentes juridictions en matière de responsabilité pénale du chef de l'Etat. Confirmant l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, elle a établit que La Haute cour de justice n'est compétente que pour connaître des actes de haute trahison Impossible dès lors que la Haute cour de justice ne connaisse des affaires ordinaires, fussent-elles les affaires ordinaires du Président de la République. [...]
[...] La question de la responsabilité pénale du chef de l'Etat et de ses modalités de mise en œuvre est en effet des plus sensibles. Elle touche au premier personnage de l'Etat, à la clef de voûte de nos institutions, à la vitrine politique de la France à l'étranger. Au-delà du destin judiciaire d'un Homme, c'est l'Etat qu'elle risque d'ébranler. Aussi la responsabilité pénale du Président de la République bénéficie d'un statut particulièrement protecteur, énoncé à l'article 68 de la Constitution de la Vème République[3]. [...]
[...] L'enjeu du scrutin risque alors de ne plus porter sur un programme politique, mais sur une intime conviction quant à l'innocence, ou la culpabilité, du candidat. L'alternative sera alors fort simple : le Palais de l'Elysée ou le Palais de Justice Et même si cette solution de droit prévaut dans plusieurs démocraties en Europe[12], on peut s'interroger sur sa pertinence. Condamner un homme politique à demeurer en fonction pour échapper aux juges, remettre un destin judiciaire à la vindicte populaire, ne sont-ils pas en effet les signes du dysfonctionnement de la démocratie ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture