Pas moins de 13 articles dans la Constitution de la Ve République font référence au premier ministre. En toute objectivité, la lecture du texte constitutionnel donne au premier ministre français une place comparable à celle de son homologue britannique ou allemand. Pourtant, malgré tout, le premier ministre français se trouve institutionnellement dans une situation inférieure et dans une relation de subordination au président de la République. Dès janvier 1959 est apparue une pratique présidentialiste du régime qui a dominé sous la Ve République. Car une Constitution, c'est aussi un esprit et une pratique.
L'évolution des institutions de la Ve République n'a pas confirmé la dyarchie au sommet de l'Etat. Bien que disposant de pouvoirs importants, le premier ministre n'a pu les mettre en œuvre et remplir sa mission que sous la conduite du président de la République, tout au moins hors les périodes de cohabitation qui ne seront pas évoquées ici.
[...] Le premier ministre est donc en première ligne avec l'ensemble du gouvernement. Le premier ministre ne procède plus juridiquement du Parlement puisqu'aucun vote des parlementaires ne vient entériner sa nomination et la constitution du gouvernement. L'art 49 al 1 de la constitution n'est pas systématiquement appliqué qui prévoit que le premier ministre présente son programme, ladite présentation étant suivie d'un vote. Ce n'est plus une obligation, mais une faculté laissée à la libre initiative du chef du gouvernement : depuis les débuts de la Ve République, cet article a été utilisé à 33 reprises, P. [...]
[...] Rocard qui a été remercié au bout de trois ans (mais trois ans quand même par F. Mitterrand pour incompatibilité d'humeur. Dans la pratique, le premier ministre ne sera pas celui qui, selon l'art 20, détermine et conduit la politique de la nation. La Constitution de la Ve République a institué un exécutif bicéphale en dotant chaque organe, président et premier ministre, de pouvoirs plus symétriques que hiérarchisés. Rien ne prédisposait le chef de l'État à gouverner à l'origine. Arbitre suprême, il devait s'en tenir aux pouvoirs de sollicitation, selon la suggestive formule de M. [...]
[...] Le premier ministre procède du chef de l'État. Il dépend aussi de lui pour sa survie. Même si de Gaulle lui-même avait affirmé aux membres du comité consultatif constitutionnel que, en aucun cas, le président ne pourrait révoquer le premier ministre, la pratique a infirmé cette présentation juridique rassurante. Certes, la fin des fonctions du premier ministre ne résulte pas systématiquement d'un renvoi-sanction du chef de l'État ; mais le chef de l'État s'est reconnu ce droit qu'il utilise pour aborder une nouvelle phase de sa politique ou pour se séparer d'un collaborateur envahissant qui compromettrait trop l'équilibre institutionnel de l'exécutif. [...]
[...] À part J. Chaban Delmas, personne n'a jamais remis en question cette répartition des fonctions au sein de l'exécutif et personne ne le fera jamais plus. Le rôle subordonné du premier ministre est acté. Pour autant, la tâche est ardue et difficile, car il faut durer et endurer Des voix insistantes réclament la disparition du premier ministre sans se demander qui remplirait alors les fonctions étendues qu'il remplit aujourd'hui. Non, la fonction de premier ministre est utile, riche et exaltante. [...]
[...] Le premier ministre est ainsi devenu le premier collaborateur du chef de l'État en période présidentialiste. Le cas de M. Chaban Delmas est particulièrement exemplaire : il est le seul Premier ministre qui ait cherché à définir sa propre politique d'ouverture, qu'il avait commentée dans son discours de politique générale, le plus beau discours jamais prononcé par un premier ministre. N'ayant pas compris qu'il portait atteinte au prestige et à l'autorité du chef de l'État, il a été révoqué sans ménagement malgré l'appui massif qu'il avait sollicité et obtenu de sa majorité à l'Assemblée nationale. [...]
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