S'il existe bien une montée, voire une banalisation de la violence politique, à savoir un essor des mouvements de contestation et un durcissement de la pratique politique, dans l'Europe de la fin du 19e siècle, qui accompagne le processus de démocratisation et l'implication croissante des masses dans la vie politique, il importe de souligner les évolutions spécifiques qui s'expliquent par des choix différents de la part des pouvoirs publics : accepter et encadrer la contestation par l'intégration des masses, dans les régimes les plus avancés, ou la refuser et tenter désespérément de l'étouffer dans une Europe des empires sclérosée.
[...] Si des auteurs aussi différents que Machiavel, Hobbes ou Weber nous aident à penser que l'importance encore aujourd'hui de la violence politique, la démocratie politique moderne et apaisée repose avant tout sur le principe de sa forclusion. C'est de fait par la socialisation politique de type démocratique visant précisément à la mise en place d'une autocontrainte dans la maîtrise des comportements d'agressivité ou de peur, que l'Europe de l'Ouest a la première réussi le tour de force d'avoir concilié la démocratisation du suffrage et l'intégration des masses. [...]
[...] Wells) qui refusent la révolution et prônent un socialisme graduel à partir de réformes obtenues dans le cadre de la démocratie capitaliste. Un accord conclu entre les petits groupes socialistes et les trade unions donne naissance au Labour Party de 1906 : les trade unions visent des avantages sociaux en contrepartie de la pression parlementaire que les députés travaillistes exercent sur les libéraux. Avec 1,6 million d'adhérents en 1914 (à 95% membres de trade unions), le Labour reste toutefois minoritaire dans un système électoral à deux partis dominants. [...]
[...] La démocratie parlementaire rencontre toutefois des difficultés en raison de sa jeunesse : avec l'irruption des masses sur la scène politique, un changement s'opère dans le discours politique, qui parle désormais au cœur davantage qu'à la raison, sombrant parfois dans la démagogie. L'humble électeur subit plus facilement les pressions que l'électeur censitaire ; les entorses à la démocratie sont monnaie courante (candidature officielle, clientélisme des potentats locaux). Parallèlement à l'éclosion des partis politiques, d'autres formes d'organisation et de combats politiques voient le jour. Les ligues, plus souples, mieux mobilisables et plus adaptées aux célébrations, aux rites paramilitaires et aux affrontements de rue, se multiplient. [...]
[...] De violentes jacqueries éclatent dans les campagnes du sud et de l'est de l'Europe : en Italie padane, en Sicile (1893-94), en Catalogne (1893), en Roumanie et en Russie chaque année. En Espagne, les paysans ruinés et autres indigents constituent un foyer constant d'insécurité, de flambées terroristes (Andalousie) durement réprimées par la Guardia civil (née en 1848). Avant que les Land Acts ne leur accordent ce qu'ils demandent, les paysans irlandais boycottent, voire assassinent les propriétaires qui évincent leurs tenanciers. [...]
[...] Le socialisme méditerranéen garde des traits spécifiques et ambigus. Ainsi, brisé par l'échec de la Commune, le socialisme français se réorganise en trois branches après l'amnistie de 1880 : une d'inspiration marxiste et révolutionnaire autour de Jules Guesde (Parti ouvrier français), une de tendance banquiste prônant la conquête du pouvoir par le coup de force (Parti socialiste révolutionnaire d'Edouard Vaillant), et une branche réformiste autour de Paul Brousse (Fédération des travailleurs socialistes). Les fractions acceptent néanmoins de se regrouper pour les élections sous la houlette de bourgeois (Jaurès, Millerand, Viviani) et remportent quelques succès électoraux (50 élus en 1893). [...]
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