La catégorie des « jeunes » n'a pas toujours existé, ou du moins été considérée à sa juste valeur, c'est pourquoi le rapport entre jeunesse et politique n'est pas évident. Il relève d'une question actuelle, propre à notre époque. Avant les groupes électoraux étaient surtout définis en fonction de la classe sociale. De plus en plus, l'âge joue un rôle crucial dans les différentes catégories d'électeurs, d'où le fait que les sondages s'engouffrent désormais dans cette voie. L'entrée dans la vie active repoussée, la période de jeunesse est retardée. De plus, les jeunes font de plus longues études qu'avant, ce phénomène ayant pris son essor à la fin des années 1960. Ces jeunes, pas encore tout à fait adultes mais déjà plus adolescents forment une catégorie électorale bien définie dont la tranche d'âge délimitée est 18-25 ans. Leur rôle est d'autant plus important que, le renouvellement de la population battant son plein en France, la jeunesse vient à former une part considérable de l'électorat (15%). C'est une catégorie certes hétérogène, mais qui se rassemble dans la dynamique que réserve toute jeunesse.
Les jeunes d'aujourd'hui vivent dans une France et un monde au contexte brouillé. Depuis la cohabitation, à la fin des années 1980 en France, le clivage droite-gauche n'est plus autant radical qu'avant. De plus, la mondialisation ajoute des enjeux planétaires aux politiques nationales. Le jeune en construction doit composer avec ses propres transformations, ses propres pertes de repères symptomatiques de cette classe d'âge et celle du monde entier. Tout cela ne se fait donc pas sans étincelles. En nous interrogeant sur le rapport des jeunes à la politique, nous pouvons nous demander si un vote des jeunes existe et de quelle manière on peut le définir. Dans un premier temps, nous exposerons les conditions de la politisation des jeunes. Ensuite nous observerons comment paradoxalement les jeunes éprouvent un manque d'intérêt pour le vote. Enfin, nous nous intéresserons aux caractéristiques démontrant la pluralité du vote des jeunes, l'hétérogénéité et la flexibilité.
[...] Les jeunes électeurs entretiennent finalement un rapport sporadique à la politique : leur mobilisation peut ainsi être particulièrement visible sur certains sujets leur tenant à cœur (réformes scolaires et universitaires, droits de l'homme et tolérance témoignant d'une profonde réactivité à certains enjeux, comme leur abstentionnisme peut également se révéler criant lors d'élections de moindre importance. D'après Anne Muxel, les jeunes peuvent se mobiliser, puis se démobiliser pour se remobiliser à nouveau. Ce sont cette flexibilité et cette disponibilité potentielle pour l'action politique, sans engagement de fond sur la durée, qui caractérisent aujourd'hui le rapport des jeunes à la participation politique En clair, en fonction des thèmes de l'actualité, ceux-ci sont capables de s'insérer totalement dans le jeu politique, pour en ressortir ensuite tout aussi naturellement. [...]
[...] En conclusion, après s'y être un tant soit peu intéressé et avoir plongé au cœur de problème, il ressort comme l'impression que le vote des jeunes suit curieusement la courbe de l'évolution des jeunes eux-mêmes. La jeunesse, qualifiée de transition, est le temps des incertitudes et des interrogations, des changements et des revirements, de l'apprentissage et des découvertes ; dès lors, il semblerait que le même chemin cahoteux soit emprunté par le vote des jeunes. Ces derniers, d'abord conditionnés par l'influence familiale et l'apprentissage citoyen plus ou moins autonome qu'ils font de la chose politique, délaissent toutefois le vote et manifestent leur défiance à l'égard du microcosme politique en développant d'autres formes de participation politique, plus marginales mais qui prennent la forme de grandes premières ou non expériences politiques collectives. [...]
[...] Dès lors, il n'existe pas un vote des jeunes, mais plutôt des votes des jeunes, hétéroclites et flexibles. D'après le sociologue Pierre Bourdieu, la jeunesse n'est qu'un mot sous-entendant ainsi l'existence non pas d'une seule jeunesse, mais de plusieurs. Anne Muxel abonde dans le même sens, arguant qu'elle regroupe des expériences sociales, des situations d'insertion sociale très différentes. [ ] Le temps de la jeunesse est traversé par des fractures sociales qui entraînent des expériences différentes de la politique Tout est dit : l'idée communément reçue voudrait voir une jeunesse homogène, contestataire et majoritairement située à gauche ; la réalité est plus nuancée. [...]
[...] C'est une forte défiance à l'égard des représentants politiques qui est la cause d'un taux d'abstentionnisme souvent élevé chez les jeunes. En effet, ils rejettent l'engagement traditionnel et préfèrent à cela une mobilisation que l'on pourrait qualifier de marginale. Tout d'abord, les jeunes n'arrivent pas à s'identifier aux hommes politiques. La moyenne d'âge de ces derniers étant de 50 ans, creuse un large fossé et fait naître la tension générationnelle dont parle Olivier Galland. Un monde franc, révolutionnaire, empreint d'idéaux affronte un monde terre-à-terre au langage compliqué. [...]
[...] Si les jeunes rejettent l'engagement traditionnel, ils sont au premier rang des mobilisations collectives. C'est pourquoi nous qualifions leur mobilisation de marginale Peu de jeunes vivent leur vie politique comme leurs aînés c'est-à-dire en se rendant à un meeting politique, en s'inscrivant dans un parti. Ils sont plutôt les rois des associations, de l'abstention, des blocages et autres manifestations. Dans L'expérience politique des jeunes, Anne Muxel remarque que cette classe d'âge est sans cesse en train d'inventer un nouveau rapport à la politique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture