À l'aube d'une Ve République fondée sur le consensus autour de De Gaulle, l'extrême droite apparaît d'abord comme une frange tout à fait minoritaire de l'échiquier politique. Le modeste tressaillement de son score en 1958 obéit alors encore à la logique du "feu de paille" mise en avant par André Siegfried au début du siècle. Pourtant depuis la fin des années 1980 l'extrême droite, en particulier à travers les succès du Front National de J.-M. Le Pen créé en 1972, semble s'être bel et bien ancrée dans une dynamique d'implantation électorale de longue durée. Alors qu'elle passe d'environ 10% en 1988 à 15,3% en 1997, son ascension fulgurante culmine avec l'accession au second tour des présidentielles de 2002 de son chef qui obtient près de 17% des suffrages exprimés. Le Front National apparaît dès lors bien comme le troisième parti, derrière le PS et le RPR puis l'UMP. Cependant, le "sursaut démocratique" au lendemain du 21 avril 2002 et le cuisant échec aux présidentielles et aux législatives de 2007 interrogent: est-ce le résultat d'une "lepénisation" des esprits qui, si elle traduit sa victoire idéologique, banalise les idées du FN et de son chef par la reprise de ses thèmes par les grands partis de gouvernement? Est-ce une victoire définitive de la droite classique sur sa frange extrême désormais condamnée à retourner à la marge? Ou n'est-ce encore qu'une victoire éphémère de Nicolas Sarkozy qui, s'il déçoit, verra le FN, réservoir de frustrations en tout genre, renaître de ses cendres?
Il s'agit, à travers l'analyse de ses résultats électoraux sous la Ve République, de définir son irrésistible ascension et sa terrible chute pour pouvoir donner quelques éléments de réponses à ces questions.
[...] Il s'agit, à travers l'analyse de ses résultats électoraux sous la Ve République, de définir son irrésistible ascension et sa terrible chute pour pouvoir donner quelques éléments de réponses à ces questions. Ce qui est tout à fait frappant, c'est d'abord de constater que de la création de la Ve République en 1958 à 1981, l'extrême droite semble ne représenter en effet qu'une frange absolument marginale de la population, ne dépassant pratiquement jamais les aux législatives entre ces deux dates. [...]
[...] Aux élections législatives de novembre 1962, l'extrême droite ne recueille ainsi que 0,76% des voix. Dès lors, tournée vers le passé et toute entière dévouée à la nostalgie coloniale, l'extrême droite s'étiole et ne semble plus avoir aucune capacité à rebondir. Elle dispose pourtant de nombreux motifs à cet égard : au milieu des années 1960 avec la guerre de Vietnam et le thème de la menace communiste, en mai 1968 avec des évènements qui déstabilisent le pays à l'occasion d'une révolte de "gauchistes" contre lesquels des groupuscules d'extrême droite se battent de façon isolée et la nécessaire défense de "la loi et de l'ordre", et enfin avec l'arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 et la dénonciation du pouvoir "socialo-communiste". [...]
[...] Les ponts jetés entre la droite classique et respectable et le Front National participent encore à la légitimation de l'extrême droite, la prise de conscience tardive de la crise entraîne par ailleurs une profonde déception envers la gauche : sur un terreau de crise, cette déception alimente les logiques de boucs émissaires, la recherche d'un homme providentiel et les tentations de politiques autoritaires. Enfin on constate alors la fracture du système social à travers l'érosion du système de classe et l'avènement de ce que Valéry Giscard d'Estaing appelle "un immense groupe central" mal défini et qui exprime souvent un certain malaise et une frustration réelle. Avec 35 députés à l'Assemblée nationale, l'extrême droite atteint pour la première fois sous la Ve République un niveau élevé dans une élection distributrice de pouvoir national. [...]
[...] Et avec le record de des voix aux présidentielles de 1995 obtenues par Jean-Marie Le Pen, le Front National se présente en tant que parti qui peut faire aussi bien que son chef, ce qui est une nouveauté. Alors que le score alarmant de réalisé par le FN à Vitrolles en 1993 et les quelques dérapages de ses élus (Catherine Mégret dans le Berliner Zeitung en 1995) provoquent une forte mobilisation contre le parti d'extrême droite, à l'extrême préoccupation le lâche soulagement se substitue rapidement, et après l'annonce de la dissolution surprise de 1997 la question du FN disparaît de l'agenda politique. [...]
[...] On peut aussi constater que la récupération par Nicolas Sarkozy de l'électorat d'extrême droite a été efficace dans la mesure où il a su le réduire à son minimum. D'autre part, le problème de la succession à la tête du parti du Front National est réel : l'immense charisme de Jean-Marie Le Pen a su construire sa popularité ainsi que l'audience et la force de son parti qui fédère des tendances d'extrême droite très différentes autour de sa seule personne. [...]
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