Alors que le suffrage universel a été l'objet d'une longue conquête et que des hommes se sont battus pour le droit de vote, les forts taux d'abstention lors des élections contemporaines remettent en question le sens même du vote. Ainsi, lors des élections européennes de juin 2004, le taux de participation en France n'a été que de 42%. Face à ces données, de nombreuses études ont essayé de démontrer que l'action de se déplacer jusqu'aux urnes manquait de logique.
On s'est donc demandé quels motifs nous amènent à aller voter, et si ces motifs relèvent ou pas de la raison. La difficulté de répondre à cette question de façon catégorique est due en partie au fait qu'il n'existe pas de définition universelle de la rationalité pouvant s'appliquer à chacun des citoyens individuellement. Nous définissons ici le concept de rationalité par rapport aux deux sens que lui donne Max Weber, à savoir une rationalité instrumentale d'une part, et une rationalité finale d'autre part, l'une faisant se référant aux utilités, l'autre aux valeurs.
[...] Autrement, comment pourrait-on expliquer les brusques changements électoraux? On peut prendre l'exemple de la défaite d'Alain Juppé aux dernières législatives. Alors que le maire de Bordeaux se trouvait dans une circonscription de l'UMP, il s'est fait battre par la gauche qui s'est mobilisée pour faire tomber un ministre de Sarkozy. Il est donc possible de revenir aux thèses utilitaristes pour expliquer comment s'effectue le choix démocratique d'une partie des électeurs, qui effectuent des appréciations sur les programmes en termes de préférences, tels des consommateurs. [...]
[...] Si le vote est conçu comme un simple moyen pour satisfaire nos intérêts individuels, alors il perd toute possibilité de rationalité puisque c'est évident que notre participation ne va rien changer à l'évolution politique d'une ville ou de tout un pays. Comment expliquer alors que malgré le fort taux d'abstentionnisme, il y ait toujours des citoyens qui continuent à aller voter ? Le paradoxe de l'électeur, c'est-à- dire le fait que des individus participent à la démocratie tout en sachant que leur vote a un pouvoir infinitésimal, met en relief que la rationalité instrumentale s'avère incomplète appliquée à la démocratie. [...]
[...] En votant pour lui, l'électeur a l'impression de se dégager de sa préoccupation, de transformer sa peur irrationnelle en l'acte rationnel d'aller voter. La dernière des théories développées par Pizzorno est la théorie identitaire. En votant, on affirme notre attachement à telle ou telle idéologie, puisque chaque option que l'on a au moment du vote, chaque candidat, se caractérise par un programme ou par des mesures précises. Donc, notre vote correspond à préconiser notre préférence pour un type d'idées que l'on considère les meilleures, que ce soit d'un point de vue moral, d'un point de vue utile, ou les deux en même temps. [...]
[...] C'est, comme dit Pizzorno, un acte de foi où l'électeur choisit plutôt de renforcer ses liens de solidarité avec son groupe social. Il est plus facile pour un électeur de voter par idéologie ou attachement à un parti que par un calcul d'intérêt qui s'avère compliqué et incertain. Le vote héréditaire permet de se rassurer en se rattachant à un groupe social plutôt que de confier son vote à un candidat dont je ne suis pas sûr que les bénéfices attendus se réaliseront. En outre, la dimension symbolique dans la politique s'explique par son caractère rituel. [...]
[...] Ils choisissent ainsi en fonction des éléments dont ils disposent et désignent celui qui leur paraît le meilleur pour satisfaire leurs besoins : c'est la rationalité limitée. On observe aussi que les citoyens ne peuvent être experts pour juger des problèmes économiques et sociaux. N'est-il pas illusoire de demander au citoyen lambda ce qu'il croit être le mieux ? Les individus sont-ils à même de pouvoir déterminer ce que sont leurs intérêts ? On glisse ainsi vers une démocratie d'opinions, qui implique également une notion de confiance, qui est plus d'appréciations psychologiques. Comment juger si tel ou tel candidat va tenir ses promesses ? [...]
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