C'est sous le vocable de « démocratie participative » que Ségolène Royal, lors de la campagne des élections présidentielles en 2007, a lancé cette idée dans le débat public. Ce terme de « démocratie participative » est défini par Yves Sintomer comme étant un « dispositif basé sur la sélection aléatoire d'un groupe restreint de citoyens, dépourvus d'intérêts propres par rapport à un enjeu d'action publique, et amenés à délibérer sur cet enjeu dans un cadre procédural réglé ».
Cette idée implique donc l'instauration du tirage au sort pour désigner les gouvernants, qui remplacerait alors ce qui est appelé communément l'élection, c'est-à-dire le choix exprimé par l'intermédiaire d'un vote. Cependant, mettre le hasard, justement, comme source de la légitimité de l'élu, n'est-ce pas déposséder les citoyens de leur pouvoir de désignation ? Une telle procédure ne conduirait-elle pas à un pouvoir total du hasard, et donc de l'arbitraire ?
[...] Établir le hasard comme moyen de détermination des acteurs politiques ne reviendrait-il pas à livrer l'accès au pouvoir politique, et donc le pouvoir politique en lui-même, à l'arbitraire ? Enfin, pourrions-nous parler d'adhésion des citoyens à l'égard de leurs représentants s'ils ne les ont pas choisis ? II. Le recours à l'élection au tirage au sort peut conduire à une dérive antidémocratique. Nous avons précédemment avancé que le tirage au sort procède à une désacralisation du pouvoir politique et de ses représentants. [...]
[...] Élection et tirage au sort Élection et tirage au sort. Depuis quelques décennies nos démocraties représentatives, qu'on accuse parfois d'être plutôt des aristocraties électives rencontrent des problèmes structurels, comme l'abstention de masse ou le désintérêt des citoyens à l'égard de la question politique. Contre cela, il est à la mode de proposer, à la manière des universitaires Ned Crosby ou Peter Dienel, l'instauration d'une démocratie qui impliquerait plus les citoyens dans la participation directe aux affaires publiques. C'est sous le vocable de démocratie participative que Ségolène Royal, lors de la campagne des élections présidentielles en 2007, a lancé cette idée dans le débat public. [...]
[...] Mais nous pourrions plutôt défendre l'idée selon laquelle le tirage au sort conduit à une dépossession du pouvoir politique. Celui-ci ne fait que passer entre les mains de quelques citoyens, qui n'en sont pas les détenteurs mais les exécutants. Ce mode d'élection peut être considéré comme étant une détention anarchique et arbitraire du pouvoir par le peuple, qui en réalité ne possède jamais le pouvoir politique. Appliqué à une société moderne, le pouvoir, détenu par un nombre très réduit de citoyens, de manière très fugace, serait alors perçu comme un régime de l'arbitraire se caractérisant par une incapacité totale à réaliser la souveraineté populaire. [...]
[...] Le principe de citoyenneté active est réalisé de manière radicale puisque chacun peut être amené à avoir des responsabilités politiques à l'issue de chaque élection. Ce type de procédure conduit donc à une responsabilisation politique des citoyens. D'autre part, il implique la désacralisation du pouvoir et des ses représentants, ce qui constitue une marque de la démocratie, qui peut-être pensé comme un régime arraché de toute forme de transcendance. Pour deux raisons, nous pouvons affirmer que le pouvoir n'est alors plus détenu mais plutôt prêté, confié. [...]
[...] Ainsi, les élus sont réellement disponibles pour mener les affaires de l'État et pour servir la population, dans la mesure où toute perspective de carriérisme est barrée, les élus n'ont pas à se préoccuper de leur réélection et donc à ne pas mener une politique populiste et démagogique. Leur véritable but est d'œuvrer pour le bien commun, l'intérêt général. Cependant, si l'on conçoit la démocratie comme un gouvernement du peuple exercé par luimême, l'idée que les citoyens s'en remettent au hasard pour désigner leurs représentants ne revientil pas à une abdication du peuple de son pouvoir décisionnel ? [...]
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