Commentaire du discours de Michel Debré devant le Conseil d'Etat (27 août 1958)
« Une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique », telle est la définition de la Constitution proposée par le Général de Gaulle. L'esprit de la Constitution de la Ve République se trouve dans le discours de Bayeux du 16 juin 1946, dans lequel Charles de Gaulle expose ses idées constitutionnelles. A la suite de la crise du 13 mai 1958 et de la démission du Président du Conseil, Pierre Pflimlin, Charles de Gaulle est présenté par René Coty, pour former un nouveau gouvernement, ce qu'il fait le 1er juin 1958. A cette occasion, il demande aux parlementaires de voter deux lois : l'une de pleins pouvoirs pour six mois et l'autre constitutionnelle, qui sera effective le 3 juin 1958. Le projet constitutionnel devra recueillir l'avis d'un Comité consultatif constitutionnel et du Conseil d'Etat. Le projet sera ensuite arrêté en Conseil des ministres et fera l'objet d'un référendum le 28 septembre 1958.
Docteur en droit et diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques, Michel Debré prend une part active à l'élaboration de la Constitution de la Ve République. Garde des Sceaux de juin 1958 à jan-vier 1959 dans le premier gouvernement de la Ve République, Michel Debré est un gaulliste historique qui, de par sa ferveur et sa fidélité, et très attaché au général De Gaulle.
C'est pour défendre son projet que M. Debré prononce un discours devant l'Assemblée géné-rale du Conseil d'Etat le 27 août 1958, celui-ci étant appelé à délibérer sur la validité du texte. Afin que ces délibérations soient favorables au projet, il va en particulier s'attacher à démontrer qu'il respecte les principes imposés par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. Ces principes indispensables sont : le suf-frage universel comme source du pouvoir, la séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et ju-diciaire, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l'organisation des rapports de la Répu-blique avec les peuples associés.
Prenant à témoin la crise politique majeure que la France vient de connaître en 1958, M. De-bré explique que celle-ci est en partie due à la « défaillance de nos institutions », dans leur contenu comme dans leur pratique. Il est donc nécessaire de procéder à une réforme constitutionnelle dont le but est de permettre de reconstruire un Pouvoir indispensable à la l'Etat français et à la République. La Constitution doit permettre cette transformation. Il conclut son introduction en affirmant le caractère parlementaire du régime qu'il souhaite construire.
[...] Le régime parlementaire: le meilleur des compromis A. Les expériences de la IIIe et de la IVe République ont mené à la solution du régime parlementaire . Le premier titre s'intitule Donner à la France un Régime parlementaire ce qui est une manière de répondre par la négative aux accusations faites au général De Gaulle et aux rédacteurs du projet constitutionnel de vouloir établir un régime plébiscitaire et autoritaire, c'est-à-dire antiparlementaire. M. Debré n'envisage cependant pas réellement ce dernier, se contentant de passer en revue les défauts du régime d'Assemblée (monopole du législatif) dont la République était selon lui, ce qui justifie que l'on s'écarte de ce modèle défaillant, ainsi que du régime présidentiel, mis de côté parce qu'il suppose de déposséder le Parlement de réels pouvoirs politiques, et parce que pratiquement, l'élection Président de la République au suffrage universel direct supposerait de donner un poids considérable aux électeurs d'Outre- mer. [...]
[...] Debré prononce un discours devant l'Assemblée générale du Conseil d'Etat le 27 août 1958, celui-ci étant appelé à délibérer sur la validité du texte. Afin que ces délibérations soient favorables au projet, il va en particulier s'attacher à démontrer qu'il respecte les principes imposés par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. Ces principes indispensables sont : le suffrage universel comme source du pouvoir, la séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l'organisation des rapports de la République avec les peuples associés. [...]
[...] Légitimités du Président de la République d'une part, du Président de la Communauté d'autre part sont ainsi assurées. B. Le respect des libertés fondamentales et des lois constitutionnelles du 3 juin 1958 Pour conclure, Michel Debré tient à affirmer que le texte constitutionnel qu'il vient de présenter respecte les principes fixés entre le Gouvernement de Charles de Gaulle et les assemblées parlementaires (suffrage universel comme source du pouvoir, séparation stricte des pouvoirs exécutif et législatif, responsabilité du Gouvernement face au Parlement, indépendance de l'autorité judiciaire et importance de l'effort d'association), avant de s'attarder sur trois articles témoignant du libéralisme du régime: L'article 4 sur les partis politiques est affirmé comme garant du pluralisme, entre autres grâce à l'obligation de respect du principe de la souveraineté nationale et de la démocratie L'opposition parlementaire se voit reconnaître des droits avec le droit d'interpellation du gouvernement par les parlementaires. [...]
[...] La quasi-obligation du vote personnel est ainsi affirmée, de même que l'incompatibilité des fonctions ministérielles et du mandat parlementaire de manière à éviter toute course aux portefeuilles Ensuite un organe indépendant chargé, sur saisine d'un des quatre premiers personnages de l'Etat, de veiller au respect de la Constitution, donc de la constitutionalité des lois, est créé : le Conseil constitutionnel. Enfin la mise en question de la responsabilité du gouvernement à l'initiative de l'Assemblée nationale n'est possible qu'au moyen d'une motion de censure conditionnée. Il est notable que M. [...]
[...] Debré présente donc à nouveau les choix constitutionnels réalisés comme les seuls possibles, d'autant plus que la désignation du Président est elle-même habilement posée comme correspondant aux nécessités de notre siècle : Debré va jusqu'à nier explicitement les accusations d'un mode d'élection fait pour De Gaulle. En effet, l'éventualité d'une élection du Président par le Parlement est écartée parce qu'elle handicaperait sa liberté d'action et qu'elle l'empêcherait de représenter aussi la Communauté. Par ailleurs le suffrage universel direct ne peut être retenu. Une seule solution est donc envisageable : l'élection par un Collège d'élus politiques, i.e. parlementaires, conseillers généraux et municipaux (pour ces derniers, après un équilibrage compensant la favorisation des petites communes), ainsi que représentants des territoires et Etats de la Communauté. [...]
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