Ce texte a été publié dans le magazine La Quinzaine littéraire le 1er décembre 1980. Bien que l'auteur soit inconnu, il s'agit d'un appel certainement lancé par Coluche et ses amis. Le style et l'humour de Coluche étant bien connu et fort différent de celui de ce texte, il est probable que ce ne soit pas lui mais son ami Romain Goupil ou son secrétaire Jean-Michel Vaguelsy qui aient rédigé cet appel. Il s'agissait pour eux de rassembler le plus de monde possible autour de Coluche pour le soutenir dans son projet de candidature aux élections présidentielles qui auront lieu en 1981.
En effet, le 30 octobre 1980, l'humoriste Michel Colucci, qui a pour nom de scène Coluche, a annoncé son intention de se présenter comme candidat à l'élection présidentielle, lors d'une conférence de presse au Théâtre du Gymnase, où il se produit. Une fois son projet rendu public, Coluche s'est lancé avec ardeur dans sa campagne, dont le slogan provocateur résume l'objectif : « Jusqu'à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ». Il est soutenu par Paul Lederman sous la bannière de la dérision et par l'équipe d'Hara-Kiri avec Cavanna. Ce magazine, qui a récemment pris le nom de Charlie Hebdo, va devenir l'organe de relais officiel de la campagne de Coluche.
Au début, la France croit au canular et au coup médiatique mais les médias se passionnent pour cette candidature de la provocation dont le seul programme semble être « d'emmerder la droite jusqu'à la gauche ». De plus, elle intervient au moment où la plupart des autres éventuels candidats ont choisis de se révéler, comme François Mitterrand, Michel Rocard le 19 octobre ou Jean-Pierre Chevènement, ainsi que le président sortant, Valérie Giscard d'Estaing, pour n'en citer que quelques uns.
Il ne s'agit cependant que d'une « pré-candidature » car il faut évidemment réunir certaines conditions pour qu'elle puisse être officielle. C'est à ce titre que cet appel est lancé dans un magazine qui lui permettra sûrement de toucher un certain nombre de personnes et à la fois un lectorat précis, plutôt intellectuel. Cet appel est adressé à deux types de personnes : d'abord aux élus des départements français et d'Outre-mer dont la signature est nécessaire la candidature de Coluche et ensuite à toute la population pour qu'elle se rassemble derrière lui et le soutienne activement.
Cet appel à soutenir la candidature de Coluche dénonce dans un premier temps le « spectacle » que sont les élections présidentielles dont le déroulement bien aménagé par les politiciens ne doit pas être perturbé (l.1-19). Le texte pose ensuite la solution que Coluche peut apporter en ouvrant la politique à tous et ramenant ainsi une véritable démocratie (l.20-29). Enfin, l'appel est lancé pour faire de cette candidature une réalité et changer le visage de la politique (l.30-54).
[...] La candidature de Coluche pourrait bien amener à l'ouverture de ce monde clos car il est véritablement rassembleur. Sa campagne est largement médiatisée par Charlie Hebdo, Libération ou Le Monde. Une semaine seulement après l'annonce de sa candidature, il est en première page du Nouvel Observateur alors même que Mitterrand vient de se lancer dans la course. De plus, les désabusés de la politique sont nombreux et comme l'affirme cet appel, les abstentionnistes pourraient bien se tourner vers Coluche dans un ultime espoir. [...]
[...] Il est alors nécessaire pour eux de soutenir la candidature de Coluche pour montrer à ceux qui détiennent le pouvoir, notamment Valérie Giscard d'Estaing, la première cible de l'humoriste, que leur tentative de déguisement a échoué. De plus, Coluche a déjà énormément de soutiens issus de tous les milieux qui s'accumulent et ne cessent d'augmenter. Ces soutiens qui se sont manifestés, l'appel s'y adresse pour qu'ils constituent le réseau nécessaire à toute campagne électorale et q fait défaut à Coluche. [...]
[...] Les hommes politiques n'ont pas bougé et leur spectacle n'a pas été suffisamment perturbé pour pouvoir changer les résultats. Cependant, selon Jacques Attali, conseiller de Mitterrand et qui devient par la suite ami de Coluche, ce dernier n'aurait jamais eu l'intention de se présenter et aurait eu pour seul objectif d'aider, à sa manière, le candidat socialiste. Dans ce cas, cette candidature a pu avoir une certaine portée immédiate, en reportant les voix de Coluche sur le candidat Mitterrand qui fut effectivement élu. [...]
[...] Le soutien à la candidature de Coluche n'est donc pas unanime et il paraît singulier qu'il en ait eu de la part des intellectuels. Le succès de la pétition en ce sens, répond plutôt à une situation de désarroi des intellectuels. Il s'agirait presque d'un texte de circonstance, dicté par l'urgence, comme l'a expliqué Félix Guattari dans le Nouvel Observateur du 15 décembre 1980 : la campagne du citoyen Coluche est l'un des moyens qui peut conduire à une mobilisation populaire contre ce régime. [...]
[...] Cet appel avait déjà été publié dans Le Monde le 19 novembre 1980 et complété par de nouveaux noms le lendemain. Ils sont encore plus nombreux lorsqu'il est publié dans la Quinzaine Littéraire quelques jours plus tard. Parmi les signataires on retrouve : Pierre Bourdieu (directeur d'étude à l'Ecole des hautes études en sciences sociales), Chesneaux et Halbwachs (professeurs à l'université de Paris VII), Deleuze et Guattari, Nadeau (directeur de la Quinzaine Littéraire). Il ne s'agit pas on le voit, de marginaux et d'inconnus. [...]
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