La Constitution de 1958 est la première en France à avoir constitutionalisé l'existence des partis politiques (article 4 : « les partis et les groupements politiques concourent à l'expression du suffrage »). Rien de bien marquant dans cette affirmation qui ne fait que reconnaître l'utilité de leur participation électorale. Le trait marquant de la vie politique va être la transformation du système des partis : sous la Ve République, une bipolarisation apparaît qui se substitue au multipartisme instable des IIIe et IVe Républiques. Pourtant, les auteurs du projet de Constitution de 1958 avaient imaginé la vie politique comme un nouveau régime caractérisé par une lutte des partis analogue à celle des républiques précédentes. Les prévisions se sont avérées fausses et aux divisions attendues s'est substitué le fait majoritaire (situation où le chef de l'Etat et la majorité parlementaire appartiennent au même parti politique).
[...] Au travers de ces expériences nous pouvons distinguer trois catégories distinctes du fait majoritaire : le fait majoritaire parfait (où le Président dispose d'une majorité parlementaire disciplinée), le fait majoritaire imparfait (où la majorité parlementaire s'oppose ponctuellement à la politique du gouvernement) et le fait majoritaire au profit du Premier ministre (quand la majorité parlementaire est d'un bord politique opposé à celui du Président). Conséquences du fait majoritaire Le fait majoritaire a durablement modifié le fonctionnement des institutions et bouleversé aussi le paysage et le jeu politiques. Le clivage n'est plus gouvernement-parlement mais majorité-opposition. Le fait majoritaire bouleverse tout d'abord le fonctionnement des institutions. Celui-ci fait perdre une bonne part de leur utilité aux mécanismes du parlementarisme rationalisé inscrits dans la Constitution pour permettre à l'exécutif de gouverner avec des majorités instables. [...]
[...] Evolution du fait majoritaire Même entre 1962 et 1986 le fait majoritaire recouvre des réalités variables. Si sous de Gaulle (1962-1969) et Pompidou (1969-1974), la majorité parlementaire gaulliste suit fidèlement le président, on assiste à un affaiblissement du fait majoritaire sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981) puisque le Président n'est pas l'élu d'un parti disposant de la majorité des sièges à l'Assemblée, mais le chef de l'une des deux formations composant la majorité, et de la moins nombreuse des deux. [...]
[...] A la différence de la IVe République ce sont les électeurs qui déterminent la majorité et non les partis, qui s'engagent pour la majorité ou pour l'opposition. Jusqu'en 1986 on est dans la situation où les électeurs qui ont élu le président de la République (et qui forment la majorité présidentielle) envoient à l'Assemblée nationale une majorité (qui constitue la majorité parlementaire) en lui donnant pour mandat de soutenir le gouvernement nommé par le Président (de se comporter en majorité gouvernementale). [...]
[...] En 1974 le mouvement est achevé et la bipolarisation parfaite. La vie politique, sous l'influence du fait majoritaire et de sa tendance à produire des majorités unies, s'est organisée autour de deux pôles : majorité-opposition, droite-gauche, dont les frontières sont gelées. Mais cette configuration bipolaire n'est pas inéluctable : en théorie tout du moins, le fait majoritaire n'entraîne pas nécessairement la bipolarisation. Un parti ou une alliance pourrait être majoritaire et coexister avec deux ou trois autres pôles qui se concurrencent et vont seul aux élections au lieu de s'unir. [...]
[...] On assiste dès lors à un déplacement du pouvoir vers le Président : ce n'est pas la majorité qui gouverne, elle est l'instrument du pouvoir présidentiel. S'opère dans le même temps une transformation du paysage politique avec l'apparition d'un phénomène de bipolarisation. L'existence d'une majorité stable, unie dans son soutien à la politique du Président et/ou du gouvernement a entraîné par contre coup un rapprochement entre les formations critiques à l'égard de cette politique. Elles ont été poussées à s'allier, à s'entendre, à se regrouper pour constituer une opposition cohérente. [...]
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