La convention sur l'avenir de l'Europe, ou convention européenne est une convention qui a été chargée en 2002 sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing d'engager un débat sur l'avenir de l'Union européenne. Elle aboutit en juin 2003 à un projet de constitution européenne. Cette constitution devait être la synthèse des différents traités déjà ratifiés depuis le traité fondateur de la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951. D'autre part, il apparaissait comme indispensable de changer les règles de fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où celles de l'Europe des quinze ne pourraient pas s'adapter à une Europe composée de vingt-cinq membres. Ce projet de constitution européenne est repris pour l'essentiel lors de la signature du traité de Rome II ou Traité établissant une Constitution pour l‘Europe (TCE) en 2004 par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne. Ce traité devait entrer en vigueur à partir du 1er novembre 2006, à condition d'avoir été ratifié auparavant par chacun des vingt-cinq États signataires.
Or depuis l'échec de la ratification du traité en France le 29 mai 2005 par voie de référendum le processus européen est gelé. Alors qu'un an plus tôt nul ne doutait de la victoire du oui au référendum sur le TCE, la France, un pays fondateur de l'Union européenne, l'a rejeté à 55%. Comment la classe politique dirigeante et l'ensemble du personnel politique dominant a-t-il pu se voir autant délégitimé et rejeté par le peuple français? Comment expliquer cet écart de position entre élite politique et le peuple français? La France avait pourtant le choix des armes pour ratifier le traité. En effet il eut été juste de faire appel au peuple en cas d'une « Constitution européenne », mais ce texte n'ayant valeur seulement que de traité d'un point de vue juridique (en raison de l'aversion des Anglo-saxons à l'idée de constitution), le parlement suffisait. Le choix fut celui du référendum pour des raisons politiques évidentes, Jacques Chirac issu de culture gaullienne, faisant encore usage du référendum plébiscitaire. La plupart du personnel politique accepta la forme référendaire, le oui s'élevant à 60% en début de campagne pour finir à 45% au soir du 29 mai. Comment expliquer une telle évolution?
[...] Le oui fut défendu par les grandes organisations politiques proches du pouvoir, c'est-à-dire les partis susceptibles de créer une majorité à l'assemblée ou vraisemblablement indispensables dans la formation d'une majorité stable et qui sont à même de gouverner. Il a été remarqué que la campagne référendaire a créé un véritable consensus autour de la question européenne entre partis opposés. Cette union à peine voilée brouillant la dichotomie classique n'a eu d'effet que de perturber l'électorat de gauche plus attaché à une distinction nette avec la droite. Que nous apporte l'empirisme des statistiques au sujet des ouiouistes ? [...]
[...] Il est intéressant de noter que le noyau dur socialiste, qui vota Jospin en avril 2002, et qui restera fidèle à chaque élection au PS, a dans son ensemble refusé le TCE. Le non socialiste est donc un symptôme fort de la crise que vit le PS. Comment l'élite dirigeante du PS a-t-elle pu autant se faire désavouer par ses militants ? Les cohabitations sont mal vécues par les militants de gauche, ils ont l'impression de se faire trahir par leurs propres organisations. Les socialistes, du moins les électeurs socialistes, vivent mal cette position de parti de droite au sein de la gauche. [...]
[...] Les partis politiques à gauche du PS vont marteler le thème du social et souligner les dangers d'une Europe libérale dans un climat de crise en France. Cette revanche sur la social-démocratie organisée autour du PCF, de la LCR et de LO prend le pas idéologique sur les militants du PS perturbés par son élite dirigeante encline à de nombreuses divisions avec le refus de Laurent Fabius, d'Henri Emmanuelli, de Jean Luc Mélenchon de s'aligner sur la consigne du parti en faisant campagne pour le non. [...]
[...] L'analyse en terme de vote de classe est pertinente dans ce cas. Par ailleurs, on constate que plus on descend dans la hiérarchie sociale, plus le non est important. C'est ainsi que l'on trouvera des communes ouvrières voter massivement non comme Calais le Havre opposées aux villes ou arrondissements parisiens bourgeois comme le 7ème où le oui s'élève à 80,5% ou encore la ville de Saint-Cloud avec 77% de oui. La carte électorale révèle aussi que le clivage religieux a été déterminant, la plupart des régions très catholiques votant oui. [...]
[...] À gauche, un clivage d'un autre type est tout aussi parlant que celui d'Europe/national à droite. Il est juste de considérer la gauche comme acquise à la cause européenne même si le PCF et les partis d'extrême gauche sont largement opposés historiquement aux démarches de la construction européenne. Il est facile de rapprocher le vote PCF et celui du FN même si leurs significations sont totalement différentes. Il ne s'agit pas d'une ligne politique anti-européenne, mais plutôt alter-européenne. Le slogan du PCF lors des élections européennes de juin 2004 est assez éloquent : l'Europe oui, mais pas celle-là. [...]
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