Bien que prévues pour le printemps 2007, les élections présidentielles occupent déjà la part belle dans l'ensemble des médias français depuis quelques mois.
Dès la fin de l'année 2005, c'est la question des candidats à la candidature des partis qui semble intéresser le plus les journalistes. Quand l'UMP semble balancer entre Villepin et Sarkozy, du côté du PS, c'est Ségolène Royal qui crée la surprise. Après l'annonce de sa « possible » candidature en décembre, la Présidente de la région Poitou-Charentes « explose » dans les sondages début janvier 2006.
Loin devant Jospin, Lang ou Strauss-Kahn, elle semble très appréciée de l'électorat socialiste. A cette époque, les médias, eux aussi, paraissent s'être pris d'amitié pour cette dynamique mère de famille qu'ils ne cessent d'évoquer.
Cette médiatisation, Ségolène Royal l'a expérimentée dès ses débuts en politique en exposant dans la presse comme à la télévision sa relation avec François Hollande (aujourd'hui premier secrétaire du PS) ou la naissance de ses enfants ; un moyen de convaincre qu'il lui est possible de concilier vie de famille et carrière politique. Mère de quatre enfants et récemment pacsée avec François Hollande, Ségolène Royal mène de front vie de famille et politique.
Notre étude tend à déterminer en quoi la construction médiatique d'une « candidate Royal » est un évènement sensationnel, comment une personnalité politique a pu, sans être officiellement candidate, être déclarée favorite aux élections présidentielles.
Nous avons, pour ce faire, axé notre réflexion sur l'accueil que les médias ont réservé à Ségolène Royal depuis l'annonce de sa candidature à la candidature du parti.
Pour ce faire, nous avons, dans un premier temps, rassemblé tous les articles de presse la concernant depuis l'annonce de sa candidature fin décembre sans définir de critères. Face à plusieurs centaines d'articles, nous sommes arrivés à l'évidence que le corpus était trop imposant et inexploitable. Nous avons alors décidé de cibler un évènement de la carrière de la militante socialiste et d'en étudier le traitement journalistique.
C'est son soutien et sa présence aux côtés de la nouvelle présidente du Chili Michelle Bachelet début janvier qui a retenu notre attention. Quatre jours après les premiers résultats des sondages la concernant et contre toute attente, Ségolène Royal s'est déplacée sur le continent sud-américain, manquant de ce fait le 10ème anniversaire de la mort de François Mitterrand célébré à Jarnac.
Sa tournée chilienne en compagnie de Mme Bachelet mais aussi d'Isabelle Allende à J-7 des élections présidentielles du pays a eu un écho assez important dans la presse française. Cet évènement nous a permis de composer un corpus assez complet (puisque beaucoup de matière) mais aussi de créer un critère nous permettant de faire un choix et d'éliminer un grand nombre d'articles.
Les articles qui composent notre corpus sont tous datés entre le 8 et le 13 janvier (dates de début et de fin de son séjour en Amérique du Sud). Nous avons choisi d'être exhaustifs en variant les supports (presse quotidienne nationale, presse quotidienne régionale, presse quotidienne gratuite, presse magazine et journal télévisé) afin de réfléchir sur les différentes façons que les médias ont d'aborder un même évènement.
Il est clair qu'un article condensant les résultats des sondages favorables à Ségolène Royal était indispensable. C'est dans le quotidien national Libération que nous avons trouvé le résumé le plus complet sans commentaires ni positionnement. Il nous a ainsi permis de vérifier précisément, entre autres, où en était la côte de popularité de Ségolène Royal au sein de l'électorat socialiste à cette époque ainsi que de déchiffrer les articles qui y font partiellement référence
Trois articles issus de titres quotidiens nationaux (Le Monde et Libération) et d'un magazine hebdomadaire (Le Point) concernent véritablement son déplacement au Chili.
De son côté, le quotidien gratuit 20 Minutes axe plus sa réflexion sur son absence à Jarnac que sur sa présence au Chili.
Le Nouvel Observateur offre lui une revue de presse composée de deux articles de titres régionaux sur ce voyage, ainsi qu'un panel d'avis de journalistes sur la « candidate Royal ». Nous avons également choisi d'étudier un très court article de ce même magazine, intéressant par son propos anecdotique (les talons aiguilles de Mme Royal foulant la terre des quartiers pauvres de Santiago).
Nous ne pouvions évidemment pas passer outre le dossier et la couverture qui lui sont consacrés dans le magazine féminin Elle en janvier.
Nous avons également choisi d'exploiter un programme audiovisuel qui a mis sur le devant de la scène médiatique Ségolène Royal pendant la période qui nous intéresse. L'extrait télévisé est un entretien entre David Pujadas et la Présidente de la région Poitou-Charentes durant le JT de France 2 du 16 janvier, durant lequel le journaliste l'interroge sur son éventuelle candidature en 2007, sa popularité dans les sondages, les critiques à son égard et son manque d'expérience en ce qui concerne la politique internationale et l'économie.
La presse teintée d'une couleur politique plus à droite est absente de notre corpus car nous avons été dans l'incapacité de trouver un quotidien ou un magazine dit « de droite » consacrant un article assez conséquent à Ségolène Royal durant cette période. Deux hypothèses s'offrent à nous pour tenter d'expliquer cette absence. Il est probable que les médias « de droite » refusent de couvrir l'évènement pour éviter toute publicité complémentaire à la candidate du PS. Il se pourrait aussi qu'ils ne sachent tout simplement pas comment aborder l'évènement.
Notre analyse de contenu et de discours médiatique du corpus nous a permis de dégager trois grands axes de réflexion sur la construction médiatique d'une « candidate Royal » ; d'une part, le crédit ou le discrédit que les journalistes accordent à Ségolène Royal en tant que candidate à la présidentielle (alors qu'elle ne l'est pas encore) et qui semble la propulser sur le devant de la scène en tant que telle ; ensuite, le traitement de son actualité politique, tantôt féministe, tantôt misogyne, donc souvent engagé, qui participe lui aussi de cette construction d'une « candidate Royal » ; enfin, la validation médiatique de son statut de personnage différent qui semble achever son image de présidentiable.
[...] empruntée au vocabulaire oral suggère encore la force avec laquelle le magazine soutient les femmes en politique, donc Ségolène Royal. La référence humoristique à la couleur de cheveux du président ne fait qu'accentuer le caractère ridicule que le magazine donne aux opposants des femmes en politique. Le féminisme de l'article se ressent encore lorsque Marie-Françoise Colombani et Michelle Fitoussi, journalistes chez Elle, reprennent et critiquent de façon hyperbolique les propos politiques et médiatiques d'hommes se raillant de Ségolène Royal : Et malgré le matraquage machiste de certains journalistes politique et de leurs petites phrases assassines L'emprunt des mots matraquage et assassines au champ lexical de la violence rend de ce fait ces attaques verbales inacceptables. [...]
[...] Tous avaient été séduits par son parler-vrai et le fait qu'elle ne se défilait pas ( ) Je ne sais pas si cela lui confère, de fait, une stature d'homme d'Etat mais il est clair qu'elle parvient parfaitement à gérer la contradiction. Paul Amar sous-entend implicitement qu'en tant que femme politique, Ségolène Royal peut faire aussi bien que les hommes voir mieux : une stature d'homme d'Etat Il lui confère ici une différence, non pas avec les personnalités politiques en général ; mais avec les femmes en politique, qui ne savent pas forcément gérer la contradiction d'être une femme et, dans le même temps, d'être sans retenue quant à leurs idées politiques. [...]
[...] Elle a donc peut-être la carrure médiatique d'un homme d'Etat, mais c'est bien tout. La journaliste de BFM (Le Nouvel Observateur [ann.7]) insiste lourdement sur les lacunes de Ségolène Royal qui l'empêcheraient de devenir candidate de son parti et donc Présidente. Le vocabulaire utilisé : jeune vierge souligne bien les faiblesses de Ségolène Royal et surtout son noviciat en matière de politique pure. L'article du Nouvel Observateur du 13 janvier [ann.8] relate l'anecdote des talons aiguilles de Ségolène Royal foulant le sol des quartiers pauvres de Santiago, une histoire qui aurait fait ricaner la presse chilienne mais sans grande incidence en France. [...]
[...] Dans Le Nouvel Observateur [ann.7]Paul Amar évoque les difficultés que Ségolène Royal pourra rencontrer avant de pouvoir devenir présidente dans un monde politique auquel il confère implicitement un caractère misogyne : au sein de son parti d'une part : A supposer que le parti l'accepte, ce qui n'est pas sûr car un parti implique des codes. et dans l'univers politique français d'autre part : . jusqu'à présent, aucune femme n'a réussi à s'imposer dans ce monde régi par les rapports de force, dans ce monde d'hommes. [...]
[...] Ces phrases amènent plusieurs significations. Dans un premier temps, elles évoquent la misogynie ambiante en politique française, au même titre que la critique acerbe du moindre défaut. Dans un deuxième temps, elles mettent en parallèle les lacunes de François Mitterrand, chef d'Etat emblématique et les difficultés de Ségolène Royal. La construction de ces deux phrases utilise un procédé proche de la réticence en littérature qui consiste à interrompre une phrase (ici une idée) en laissant entendre ce qui n'est pas dit. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture