P. Milza part du constat que le Front National, parti politique français fondé en 1972, ne peut plus être étudié comme un phénomène politique anecdotique, celui ci étant devenu en dix ans, une « force politique installée ». P. Milza situe ce phénomène de résurgence des partis d'extrême droite dans l'Europe des années 90, expliquée selon lui par la difficulté que les démocraties ont pour répondre aux crises que connaissent les sociétés « post-industrielles ». Le décor ainsi planté, P. Milza est amené à se demander si le Front National ne serait pas devenu « le modèle européen d'une droite dure, contestatrice (…) mais productrice en même temps d'une culture politique nouvelle ». Pour répondre à cette question, P. Milza s'attache à décrire la multiplicité des courants idéologiques traversant ce qu'il appel « la nébuleuse frontiste ». Pour lui, le Front National « rassemble des individus et des groupes appartenant à toutes les composantes de l'extrême droite ». Il y distingue plusieurs cultures politiques qu'il étudie tour à tour, avant de conclure en tentant de voir si cet ensemble forme ou non une culture politique nouvelle.
[...] La dernière des cultures politiques étudiées et pour P. Milza, qui fait le succès du Front national, est celle de la droite populiste et plébiscitaire ou nationale populiste Elle a traversé le temps à travers des mouvements tels que le bonapartisme, le boulangisme, les Ligues des années 20-30 ou plus récemment du poujadisme. Ainsi, on retrouve dans ces mouvements la critique des élites et des étrangers que l'on oppose à la Nation (souvent au sens ethnique et culturel). Il est question de mettre à bas la démocratie représentative et la bureaucratie qui crée et légitime ces élites, privant la Nation de tout pouvoir de décision et allant contre ses intérêts et son identité. [...]
[...] Cela reste donc un défi pour le Front national que de dépasser ce syncrétisme instable et de fonder une culture politique propre dont le succès ne reposerait plus seulement sur un discours catch-all sur un vote de contestation ou sur le charisme de son leader, Jean Marie Le Pen. L'étude des droites extrêmes ainsi que l'histoire des idéologies et des cultures politiques connaissent un développement tardif en France. Pourtant, c'est dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale que s'effectue un renouveau historiographique important en Europe, avec une volonté d'expliquer les origines et les fondements des phénomènes politiques ayant fait irruption de manière violente dans les 1920 et 1930 sur le vieux continent. [...]
[...] Une critique qui peut être faite à l'article de P. Milza porte sur les catégories de cultures politiques mobilisées pour décrire le Front national. Celles-ci renvoient à une historiographie des cultures politiques assez classiques, que l'on peut rattacher aux travaux de René Rémond et attacher à la notion de tempéraments politiques En effet, les cultures politiques du traditionalisme contre révolutionnaire des ultras de la Révolution ou le nationalisme plébiscitaire de Napoléon Bonaparte permettent-elles de bien saisir la réalité d'un parti politique qui né dans la deuxième moitié du 20e siècle ? [...]
[...] URL : http://www.revue-pouvoirs.fr/L- extreme-droite-vient-de-loin.html Sur la question du fascisme, voir Les Fascismes, Paris, Imprimerie Nationale mais surtout Fascisme français, passé et présent, Flammarion Sur les droites françaises, voir Histoire des droites en France (dir. Jean François Sirelli), Paris, Gallimard et Histoire de l'extrême droite en France (dir. Michel Winock), Paris, Le Seuil Ensemble des représentations porteuses de normes et de valeurs, qui constituent l'identité des grandes familles politiques in BERSTEIN Serge [dir.], Les cultures politiques en France, Paris, Le Seuil, coll. L'Univers historique Axes et méthodes de l'histoire politique, Paris, PUF (en collaboration avec Serge Berstein). [...]
[...] Milza conclut en affirmant que ce style d'une droite extrême conciliant tradition et national- populisme n'est pas réellement nouveau dans l'Histoire politique française (citant le régime de Vichy ou encore le Parti social français du colonel de la Rocque dans l'immédiat après guerre). Le Front national ne fait donc finalement que reproduire des idées et des représentations anciennes. P. Milza reconnaît néanmoins une diversification dans les modes d'expression de ces idées : la volonté de s'afficher en modèle de contre-société remplaçant les meetings musclés par des moments de communion et de propagande rassemblant toutes les franges de l'extrême droite (comme la fête bleu-blanc-rouge). Cependant P. [...]
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