Pourquoi prendre pour objet d'étude en science politique l'introduction de l'isoloir et, de
manière plus large, l'évolution des procédures de vote? En effet, si l'étude du vote est un
objet classique de la science politique, celui-ci est souvent abordé par le biais de l'analyse des
résultats électoraux. Aborder le vote sous un autre angle pose la question des frontières de la
science politique et, d'une certaine manière, de la définition même de cette discipline. Il apparaît alors utile d'envisager cette science0 comme une discipline étudiant certes la politique mais aussi le politique, c'est-à-dire tout processus possédant un enjeu politique. Pour cela, il convient de passer outre une conception rigide des limites disciplinaires et d'envisager la science politique comme une science dont les les frontières sont perméables aux apports théoriques et méthodologiques d'autres disciplines ( par exemple la sociologie, l'histoire ou l'anthropologie ) dans la mesure où ces apports enrichissent la compréhension des phénomènes politiques.
[...] Il convient alors pour tenter de saisir les enjeux politiques cachés des innovations techniques des procédures électorales, d'envisager le vote comme une pratique sociale dont le processus d'institutionnalisation est un processus historique voyant émerger plusieurs types d'acteurs. Ces différents acteurs, ayant à leur disposition des ressources différentes dans leur tentative de conquête des suffrages, possèdent également des intérêts différents par rapport à la procédure technique de la votation en vigueur et donc des avis opposés quant aux innovations pouvant être apportées à celle-ci, les percevant, étant donné leurs types de ressources différentes, soit comme un avantage soit, au contraire, comme un désavantage. [...]
[...] En effet, les discussions actuelles autour d'innovations techniques en matière de procédure électorale, comme par exemple l'introduction du vote par correspondance ou du vote électronique, répondent aux mêmes logiques. Dans Le secret de l'isoloir”, Alain Garrigou a recours à une sociologie historique pour décrire les tensions entre notables et entrepreneurs politiques entourant la réforme du code électoral en France. Il démontre ainsi l'utilité de l'interdisciplinarité en science politique. L'auteur mobilise également de manière intéressante l'anthropologie politique pour décrire ce qu'il appelle fétichisation de l'isoloir”10. [...]
[...] Elle met à jour des enjeux profonds de concurrence dans la conquête des postes de domination politique et les intérêts opposés des différents acteurs en jeu, compte tenu du type différent de ressources que ceux-ci possèdent. Comme l'écrit Garrigou: La réforme du code électoral affecte les ressources électorales par lesquelles on se fait élire. Or tous les entrepreneurs politiques ne disposent pas des mêmes ressources et sont donc placés en situation conflictuelle lorsque certains types de ressources sont dévaluées au profit d'autres. [...]
[...] Les enjeux politiques cachés des débats autour des innovations techniques des procédures de vote, d'après le texte secret de l'isoloir” d'Alain Garrigou Les enjeux politiques cachés des débats autour des innovations techniques des procédures de vote, d'après le texte secret de l'isoloir” d'Alain Garrigou. Pourquoi prendre pour objet d'étude en science politique l'introduction de l'isoloir et, de manière plus large, l'évolution des procédures de vote? En effet, si l'étude du vote est un objet classique de la science politique, celui-ci est souvent abordé par le biais de l'analyse des résultats électoraux. [...]
[...] Cela entraîne à la fois l'apparition de nouveaux acteurs dans la course à la conquête du pouvoir politique et la modification 0 En étant conscient que ce que l'on nomme “science” est définissable de manière plus ou moins rigide Alain GARRIGOU, secret de l'isoloir», Actes de la recherche en sciences sociales, 71- p. 22- nécessaire du déroulement des procédures électorales compte tenu notamment de l'explosion des citoyens obtenant le droit de vote en 18482. Auparavant, sous l'ère du suffrage censitaire, l'accession au champ politique était réservée à une élite sociale composée essentiellement de notables issus de la noblesse et de la haute bourgeoisie. [...]
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