« Le vote est d'abord une opération matérielle » (Olivier IhL : Le vote 2000).
Au cœur de la polémique et de l'extrait de Olivier Ihl : « Un battement d'aile de papillon. Sur les usages et les dispositifs de vote aux États-Unis » dans L'Acte de Vote (Deloye, Ihl, 2008) le système de carte perforée ou « butterfly ballot », mis en cause après l'imbroglio électoral des présidentielles américaines de 2000 et le recomptage de 46 jours des bulletins de Floride. Ce suspense s'est achevé pour qu'enfin la Cour suprême décide, à cinq voix contre quatre de l'élection de Georges W. Bush. A l'origine destinée à faciliter la tabulation des données de recensement à la fin du XIXe siècle, la carte perforée a été introduite comme dispositif électoral avant tout dans un souci de temps (rapidité pour totaliser les voix) et d'argent (faiblesse des prix.) Le problème majeur de cette élection, comme l'a relevé Ihl, semble être le faible écart des voix entre les deux candidats, faisant que la légitimité du vote, la « sincérité du scrutin » s'est trouvée plus facilement contestée.
Quels sont donc les problématiques, les enjeux plus profonds que ces élections présidentielles de 2000 ont fait jaillir ou rejaillir aux États-Unis, comme dans le monde entier ? Nous analyserons ensuite l'incidence de la technique sur le corps électoral et plus largement sur le résultat d'un vote. Si on modifie les techniques : jusqu'à quel point va-t-on modifier les résultats ? Et plus que le butterfly ballot, nous analyserons également toute la polémique sur le système de vote électronique, qui rompt avec la pratique rituelle du vote papier, à tort ou à raison.
[...] C'est justement pour ne pas perdre cette ritualisation du vote que les Français restent attachés à la forme ancestrale du vote papier, pratique dans laquelle le processus de rationalisation formelle est poussé à son extrême. En effet, le vote électronique constituerait pour eux une perte de la symbolique dans le geste même de voter, c'est le cas par exemple des femmes, pour qui le droit de suffrage accordé en 1944 ne représente pas seulement la simple expression d'une opinion politique, mais le sentiment, en mettant l'enveloppe dans l'urne de bien faire partie de la citoyenneté française. [...]
[...] Grâce à cette régularité dans le décompte des voix, les électeurs ont confiance dans cette opération qui permet de recompter avec une pluralité de regards en cas de doute ou d'erreur. Le rituel a également cet avantage qu'il évite la pression exercée par le changement, et l'adaptation à de nouvelles techniques (bien souvent déshumanisées sur la pratique des votants. Enfin, Olivier Ihl assure que cette ritualisation du vote établit avec le temps un rapport de familiarité qui est gage de démocratisation de l'accès aux instruments de vote. [...]
[...] Et dans un second rapport d'annoncer qu' 1,5 million de voix ont été annulées, à cause des seules difficultés d'utilisation des équipements de vote obsolètes ou mal conçus. Cela montre encore une fois que certains types de population sont moins à l'aise avec le vote électronique, qu'il s'agisse des personnes âgées, des personnes handicapées ou bien des personnes issues de milieux défavorisés qui n'ont pas la chance d'accéder couramment à Internet ou aux nouvelles technologies. Cette ségrégation par la technique va à l'encontre du principe de suffrage universel, instauré en 1848 et propre aux démocraties. [...]
[...] Et c'est précisément ce critère de légitimité, de régularité qui n'a pas été respecté dans les élections de 2000, à cause du faible écart dans le nombre de voix entre Georges W. Bush et Al Gore. Ihl opère une distinction intéressante entre vote et élection : le vote (une délibération qui débouche sur un verdict : un processus de routine en soit) ne doit pas être confondu avec l'élection (un verdict qui permet de transmuer des voix en sièges grâce à l'existence d'une concurrence et d'une pluralité d'options possibles proposées à la préférence collective, processus encore aujourd'hui vulnérable.) 1 La dimension symbolique du vote : le phénomène de ritualisation propre à la France En France, il existe une ritualisation de l'acte de vote, depuis 1852 et le grand décret qui organise le suffrage universel. [...]
[...] C'est d'ailleurs en partie dans un souci d'argent que le système des butterfly ballot a été adopté aux États-Unis, cette méthode étant peu coûteuse pour les états fédéraux. Dès le milieu des années 1970, on ne peut qu'observer de plus en plus la montée des conseillers en communication (spots publicitaires) et des profilers d'électorat dans les équipes politiques, si bien que le rôle des partis semble être réduit dans les processus électoraux, alors que le sans entreprises partisanes, il n'y a pas d'élection ni de démocratie. [...]
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