"La démondialisation" est un titre ambitieux pour le "roman économique" de Jacques Sapir, offrant à la fois promesses et incertitudes.
Le terme, récemment porté sur le devant de la scène, notamment à travers les primaires socialistes et le projet d'Arnaud Montebourg, passe pour beaucoup pour un projet flou ou utopiste.
Quelle est donc cette clameur de "démondialisation" qui se popularise depuis la crise de 2007, mais qui fâche aussi bien altermondialistes que fervents partisans du néolibéralisme?
Jacques Sapir voit loin dans ce processus, en nous proposant ici ce qu'on pourrait qualifier de double démondialisation:
- "Démondialisation" en tant que processus de "déglobalisation" de nos économies et de nos sociétés;
- mais également une "démondialisation" comme processus intellectuel de déconstruction des "mythes" d'une globalisation trop souvent idéalisée.
[...] Bien loin des nombreuses analyses économiques très ciblées de la crise, Jacques Sapir en propose donc une lecture globale. Il développe une argumentation visant à convaincre que les dynamiques respectives de la globalisation marchande et financière sont essoufflées, et qu'il faut donc concevoir la déglobalisation comme un tout. L'auteur regrette que la déglobalisation doive nécessairement se traduire par des conflits et des luttes, mais y a dans la globalisation une telle somme de violence directe et indirecte qu'il ne saurait en être autrement“(p.215). [...]
[...] Sa politique d'attraction des investisseurs étrangers est largement planifiée par l'État, qui a également installé un important mécanisme de contrôle des capitaux lui permettant de contrôler le taux de change du yuan. Si l'on retire la Chine des pays en voie de développement, l'économiste montre d'ailleurs que la globalisation leur a été défavorable. La globalisation en elle-même n'aurait donc eu aucun effet positif, sauf quand elle a été instrumentalisée en combinaison à une politique étatique nationalisante mais au prix de la démocratie souligne-t-il. Sapir nous dresse le portrait d'une mondialisation qui aurait été loin de profiter à l'intérêt général ou à celui des plus pauvres. [...]
[...] C'est en cela que l'ouvrage de l'économiste tire toute sa force : parfois critiqué pour ses solutions, il ne peut qu‘être salué pour la qualité de sa mise en perspective historique, nous faisant remonter aux sources lointaines du processus depuis l'entre-deux-guerres, à l'échec du de Keynes, l'effondrement du SMI et la crise des subprimes afin de nous en faire comprendre les rouages et de souligner les dégâts collatéraux d'une mondialisation non gouvernée, aboutissant à un inéluctable naufrage. Il compte ainsi, objectif soulevé dès l'introduction, défaire le mythe d'une globalisation „heureuse“ venue se substituer aux guerres, thème cher à Alain Minc. À ceux auxquels ce mot fait peur peur de la régression, peur du „retour au temps des guerres“ et à l'anarchie il répond que ces guerres ne nous ont jamais quittés, mais ont simplement changé de visage. Aux guerres globales, se sont substitués d'innombrables conflits localisés (Afrique, Moyen-Orient . [...]
[...] Pour Sapir, le rôle du protectionnisme est plus qu'infime dans l'effondrement du commerce international à partir de 1930. Les deux facteurs déterminants sont l'accroissement des coûts de transports et l'instabilité monétaire résultat du manque total de flexibilité dû au lien à l'or. Keynes soulignait ainsi l'importance capitale de l'alimentation en liquidité du système international, d'où son opposition à toute forme d'étalon or. Il admettait ainsi non seulement des formes de protectionnisme permanentes, mais aussi des protections s‘approchant de l'autarcie en cas d'urgence. [...]
[...] Il ne faudrait cependant pas oublier d'intégrer les partenaires européens désireux de nous suivre dans notre initiative, afin de démultiplier effets de l'action unilatérale“: le but premier de Sapir est que le progrès économique profite à tous, et pas seulement à quelques-uns. L'auteur convient que toute l'Union ne suivra peut-être pas, que cette croyance est même sûrement illusoire, car l'hétérogénéité politique entre pays de la zone euro est importante. Cette politique ne pourrait donc sûrement être atteinte dans l'immédiat, et il est probable qu'elle signifierait bien la mort de l'Union telle que nous la connaissons, mais pour l'instant, groupe plus réduit de pays [ convaincus de la détermination de la France" suffira. [...]
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