Depuis Ricardo, la loi des avantages comparatifs a régné quasiment sans partage durant un siècle et demi. Mais depuis vingt ans, le libre-échange est remis en question. Les économistes étaient dans leur quasi-totalité tellement certains de la supériorité du libre-échange qu'ils ont baptisé "loi" (des avantages comparatifs) le raisonnement de l'économiste anglais David Ricardo (1772-1823) sur lequel repose cette certitude. Si bien que durant plus d'un siècle et demi, cette loi a régné quasiment sans partage. Pourtant, depuis une petite vingtaine d'années (et notamment l'essor de la Chine comme "atelier du monde "), des approches plus nuancées ou carrément critiques à l'égard du libre-échange ont fait leur apparition. Déjà, dès la première moitié du XIXe siècle, Friedrich List (1789-1846) un économiste allemand plaidait pour un "protectionnisme éducateur ", de sorte qu'un pays puisse entrer dans une activité alors même que son inexpérience le condamne à être moins efficace que ceux qui se sont déjà installés.
Ce n'était évidemment pas un hasard si c'était un Allemand, pays à l'époque très en retard sur l'Angleterre, qui s'opposait ainsi aux conceptions de Ricardo. Ses successeurs se contentèrent de perfectionner le raisonnement initial à l'aide d'un appareillage mathématique de plus en plus sophistiqué, en montrant que chaque pays devait se spécialiser dans les activités pour lesquelles il disposait relativement des facteurs de production les plus abondants. Comme le développèrent dans les années 1930-1940 Eli Heckscher, Bertil Ohlin et Paul Samuelson (d'où le "théorème HOS").
Assiste-t-on aujourd'hui à un changement de paradigme économique, à un de ces mouvements de conversion qui transforment les croyances des acteurs politiques et des économistes dominants ? Quelles sont les conditions de la poursuite et les limites actuelles de ce changement ? Quel rôle jouent les économistes dans les processus sociaux ? Est-ce que le libre échange est encore la ligne directrice de l'économie mondiale ou bien est-ce sa fin ?
[...] Et si elle est remise à l'ordre du jour, au tournant des années 1980, aux Etats-Unis, c'est pour les mêmes raisons. La tendance à la chute du profit fut analysée par Ricardo (avant d'être développée par Karl Marx) en constatant le rendement décroissant des terres. L'Angleterre sacrifia alors sa production de blé et chercha à importer des matières premières à coût plus faible, afin de restaurer ses profits Dans les années 1970, tous ces modèles se confrontaient aux contradictions de ce type de croissance. [...]
[...] Dans ce monde où certains disposent de plus d'atouts que les autres, l'Etat joue un rôle parfois décisif. En soutenant l'innovation, voire en subventionnant les firmes nationales pour qu'elles se mettent à niveau, il peut changer la donne, comme l'ont montré Joseph Stiglitz et Avinash Dixit.En effet l'économiste indo-américain Jagdish Bhagwati souligne que l'Etat a le devoir de "rectifier" par des taxes sur les importations ou des subventions à l'exportation les distorsions de concurrence dans le commerce international. Dans la même lignée, Paul Krugman avait légitimé le soutien européen à Airbus, en soulignant que les aides publiques qui lui ont été accordées ont permis de transformer un marché où Boeing régnait en quasi- monopole en marché concurrentiel, au bénéfice du transport aérien. [...]
[...] On comprend que le libre échange est très ancré dans notre tradition économique moderne, il est difficile de changer radicalement un mode de fonctionnement, même avec une crise importante comme celle des subprimes. Les thèses contemporaines du commerce international essaient de remédier à certaines incohérences Contrairement au modèle de base de l'échange international, la nouvelle théorie retient l'hypothèse de la concurrence imparfaite. Lancaster étudie l'évolution de la production lorsqu'on passe de l'autarcie à l'économie internationale des marchés. L'échange structure une spécialisation industrielle fondée sur des avantages. Le commerce entre les nations est à somme positive, aucune n'a à perdre dans l'échange. [...]
[...] Ces changements, caractérisés par la montée des actionnaires au détriment des salariés, ont transformé le business model du capitalisme. Les pays émergents en ont les premiers fait les frais, victimes de suraccumulation du capital et de bulles spéculatives, dans des contextes de systèmes bancaires fragiles et de politiques de change risquées. Le système des prix a été modifié, surtout après 2002, par l'entrée de nouveaux pays dans la compétition mondiale, faisant peser une forte pression à la baisse sur les salaires des pays dominants. [...]
[...] Il faudrait donc pour Aglietta que le libre échange soit maintenu mais au prix d'une nouvelle régulation internationale. Pour finir, on peut dire que le protectionnisme ou un autre système d'organisation économique n'est pas vraiment un mode adéquate à notre économie mondialisée, il est impossible de penser le commerce national sans le commerce international, ils sont tous les deux liés, et ils sont indissociables. Conclusion La tendance à la mondialisation est réelle malgré la crise des subprimes, mais le monde n'est pas encore un village planétaire, selon l'expression de McLuhan ; l'économie mondiale est encore loin d'être globale. [...]
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