Economie du bonheur, paradoxe d'Easterlin, riches, pauvres, bonheur, freakonomics, Clarks, Shields, Fritjers
Cet article publié en 2008 dans le Journal of Economic Literature a pour objet principal de résoudre le paradoxe quasiment fondateur de la recherche en économie du bonheur, le paradoxe d'Easterlin. En effet, si on peut observer les prémices de ce champ de recherche dès les années 1950 avec le Research Survey dirigé par le professeur Katona dans l'université du Michigan, l'article considéré comme la base même de ce courant est celui publié par Richard Easterlin en 1974. Dans cet article, il expose le fameux paradoxe selon lequel, alors qu'en coupe dans un même pays les personnes les plus riches se déclarent plus heureuses, au niveau agrégé (que ce soit entre les pays ou dans le temps), richesse et bonheur ne sont pas forcément corrélés. Des chercheurs comme Bernard Van Praag aux Pays-Bas ou Richard Layard en Grande-Bretagne ont poursuivi dans cette voie, mais il faudra toutefois attendre les années 1990 pour assister à un véritable essor de ce type d'étude, en particulier à partir des travaux d'A. Clark et A. Oswald. On remarque que cela s'inscrit dans le mouvement d'extension du champ d'étude de l'économie, l'exemple le plus frappant en étant les « freakonomics » rendues célèbres par Steven Levitt et Stephen Dubner.
[...] Les données générées en laboratoires ont elles l'inconvénient d'être par nature non fortuites et limitées à de petits échantillons. En outre, l'importance majeure des politiques publiques pour le bonheur, que l'on a pu observer dans la dernière partie de l'article, pourrait être à relativiser. En effet, des études ont montré que le bonheur tient en grande partie ses origines dans les gènes et les traits personnels des individus (extraversion, optimisme, estime de soi . Les facteurs économiques et sociaux, sur lesquels les acteurs publics peuvent avoir davantage de prise, n'expliqueraient que 20% de la variance du bonheur entre individus. [...]
[...] Ces conclusions sont nettes sur les graphiques modélisés par les auteurs, dans lesquels ont voit bien la concavité et l'inéluctable flat of the curve asymptote qui apparaît toujours pour mettre fin aux effets bénéfiques du revenu sur le bonheur. Dans une troisième partie, Clarks, Shields et Fritjers tentent de soutenir la fiabilité de leur fonction d'utilité améliorée en utilisant les données de nombreuses études, permettant du même coup de donner une large vue de la littérature économique s'intéressant au bonheur auto-rapporté par des individus sondés. [...]
[...] L'article de Clark, Shields et Fritjers est le parfait exemple du dialogue qui peut exister entre économie du bonheur et économie du bien-être, permettant d'éclairer les enjeux et les questions que soulève l'utilisation de données sur le bonheur subjectif pour mettre en œuvre des recommandations politiques économiques. Comme nous le verrons dans cet article, plusieurs disciplines peuvent se mêler pour contribuer à la recherche en économie du bonheur, qu'elles appartiennent aux sciences humaines et sociales ou aux sciences cognitives : l'attribution du prix Nobel d'économie en 2002 aux psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky est bien la preuve de cet effacement des frontières. Dans cet article, les trois auteurs posent comme premier objectif d'avancer des solutions pouvant expliquer le paradoxe d'Easterlin. [...]
[...] De telles déclarations ravivent le débat sur les critères d'une société désirable. Sur quoi se baser pour, comme le Bhoutan, faire du bonheur l'objectif de la nation ? En plus du risque certain de paternalisme et d'ethnocentrisme qui y est attaché, les incertitudes méthodologiques rendent difficile la restriction au bonheur comme baromètre de l'action publique. Il est nécessaire d'évoquer le flou qui existe encore aujourd'hui dans ce champ de recherche, qui malgré des avancées très prometteuses comme on l'a vu, utilise souvent de manière interchangeable les expressions bien-être satisfaction bonheur quality de vie en particulier dans les sondages. [...]
[...] On constate que l'utilité marginale de la consommation est quasiment nulle dans les pays développés. Mais ce n'est pas pour autant que la hausse de revenus n'a pas d'effet sur le bonheur, car cela a tendance à modifier la répartition des revenus. Le statut acquis par celui qui gagne de plus que les autres ne compose pas la baisse de statut de celui qui en gagne un de moins. Ces constats soutiennent très fortement la direction d'une plus grande égalité de revenus, qui aurait des bénéfices sur le bien-être via la concavité de la courbe d'utilité (pour la même raison qu'au niveau individuel, la variété de la consommation permet une plus grande satisfaction . [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture