Le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel décidait d'abroger l'article 222-33 du Code pénal punissant le harcèlement sexuel pour contrariété avec le principe de légalité des délits et des peines ainsi qu'avec les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique. Cette décision était la septième question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC, de l'année 2012 pour laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré une disposition législative en non-conformité totale avec la Constitution, et aujourd'hui plus de 4000 QPC ont déjà été soulevées devant les juridictions judiciaires et administratives. Il est donc possible d'évoquer une véritable montée en puissance du nouveau dispositif de contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois françaises.
[...] On peut ainsi regretter qu'actuellement il ne comprenne aucun professeur de droit public. L'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, si elle a globalement permis une meilleure protection des droits fondamentaux, présente donc des résultats contrastés, notamment du fait de la montée en puissance du pouvoir du juge au détriment de celui du législateur. [...]
[...] En effet, la protection des droits fondamentaux n'a véritablement pris de l'ampleur en France qu'à partir des années 1970, avec le développement du contrôle de constitutionnalité a priori d'une part, et du contrôle de conventionnaliste d'autre part. En 1971, le Conseil Constitutionnel, alors qu'il ne devait être, dans la perspective gaullienne, qu'un outil permettant à l'exécutif de se prémunir contre toute incursion du législateur en dehors des sujets limitativement énumérés à l'article 34 (et le juge du contentieux électoral), décide d'élargir les normes de référence de son contrôle. [...]
[...] En effet en vertu de l'article 55 de la Constitution, les traités (dont la CEDH) ont une valeur supralégislative. Si le Conseil d'État et la Cour de Cassation n'ont longtemps accepté de faire prévaloir les traités sur les lois que s'ils étaient postérieurs à celles-ci, et refusaient de contrôler la conformité d'une loi postérieure à un traité (à l'exemple du Conseil d'État dans sa décision du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule de France), la décision IVG du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975 va les inciter à modifier leur position. [...]
[...] Ce contrôle de la constitutionnalité des lois ne s'effectuait cependant qu'a priori : seuls des organes politiques (dont, dès députés ou 60 sénateurs) pouvaient saisir le Conseil Constitutionnel, et uniquement avant la promulgation de la loi. La protection des droits fondamentaux contre une loi les menaçant n'était donc assurée que dans la mesure où le Conseil était saisi. Ainsi, dans l'hypothèse où les différents groupes politiques s'accordaient pour ne pas déférer au Conseil une loi, il était tout à fait possible qu'une loi dangereuse pour les droits et libertés fondamentales soit adoptée par le législateur. [...]
[...] L'introduction de la QPC fait perdre le monopole de la saisine du Conseil Constitutionnel aux autorités politiques. Alors qu'auparavant le contrôle de constitutionnalité, exercé a priori, pouvait se justifier par la fonction aiguilleur du Conseil Constitutionnel, qui vérifiait la conformité des lois adoptées par le Parlement à un ensemble de dispositions dont l'importance nécessitait qu'elles ne puissent être altérées que via une procédure nécessitant une majorité élargie, le contrôle a posteriori ne peut être justifié par cet argument. Si le Conseil Constitutionnel fait généralement preuve de retenue, et prend garde à ne pas empiéter sur les prérogatives du législateur, comme le montre sa décision 2010-92 QPC du 28 janvier 2010 dans laquelle il a rappelé qu'il appartenait au législateur, et non au juge, de trancher des questions de société comme celle de l'homoparentalité, le mécanisme QPC, qui peut l'amener à abroger une loi déjà en vigueur, le fait mécaniquement participer à la création du droit. [...]
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