Parler de la « construction » médiatique des « scandales » du sang contaminé (SC) et de l'amiante, c'est avant tout faire référence à la théorie des sciences sociales du constructivisme. Ce courant de la sociologie tend à « considérer la réalité sociale comme un processus en construction permanente c'est-à-dire que la réalité sociale se construit et se reconstruit chaque jour au fur et à mesure des interactions individuelles, que les faits sociaux sont soumis à l'interprétation qu'en donnent les acteurs et que les institutions sociales sont la cristallisation de conventions arbitraires, bien qu'elles apparaissent souvent aux acteurs comme des phénomènes incontournables. »
[...] C'est la presse qui construit le scandale en imposant ses mots, en remontant la chaîne des responsabilités, en reconstruisant l'histoire. Pour faire de l'affaire un scandale, les journalistes prennent plus ou moins de libertés avec les faits qui, toujours selon les lois de la concurrence, intéressent toujours moins que les déclarations des personnalités porteuses du problème social. Ainsi, l'accent est souvent mis sur des figures symboliques et les témoignages. Dans le cas du SC, c'est parce que les hémophiles se sont constitués en une Association des polytransfusés, à partir de 87, dominée par la personnalité de Jean Péron-Garvanoff (pianiste condamné par le virus du Sida) présenté parfois comme l'hémophile par qui le scandale est arrivé que les médias se sont intéressés à ce problème de santé publique. [...]
[...] Avant 1994, en effet, a source légitime des journalistes était le CPA ie le Comité permanent amiante qui regroupait des représentants des administrations concernées. Il était assimilé à la position officielle en ce domaine. > Une dépendance vis-à-vis des sources habituelles difficile à remettre en cause. Au-delà du crédit plus important accordé aux sources officielles, qui, comme je l'ai déjà évoqué, peut-être relativisé, un phénomène de dépendance au sentier des journalistes est ici notable : celui de leur dépendance v/v de certaines sources d'information. [...]
[...] Les routines de sélection mettent ainsi en avant la question de la mise sur l'agenda des problèmes de santé publique par les médias. Si une menace ou un risque existe objectivement, càd s'il est scientifiquement prouvé, mais que ce risque n'est pas considéré comme problématique par les membres d'une société donnée, alors ce risque n'est pas un problème social. Ainsi dans le cas de l'amiante, un long silence a précédé la construction du problème en termes médiatiques, alors que les effets nocifs de l'amiante étaient connus depuis longtemps. [...]
[...] Cela explique notamment pourquoi dans le cas de l'amiante l'émergence et la consécration de nouvelles sources par le champ journalistique va permettre la redéfinition du problème de maladie professionnelle et donc globalement inintéressante médiatiquement à problème de santé publique. > Une préférence journalistique souvent marquée pour les sources officielles Un des apports essentiels de la sociologie du journalisme permettant le déchiffrage de la construction médiatique des problèmes sociaux est l'analyse du rapport des journalistes à leurs sources. Le travail du journaliste est en effet désormais essentiellement réductible à la réception et au tri d'information. [...]
[...] Mais on assiste ensuite à un quasi-vide médiatique sur le sujet entre 1980et 94 : le problème apparaît comme localisé, très technique et reste un sujet d'information méconnu. Mais cette perte de dimension publique du problème social ne signifie pas du tout pour autant sa disparition (il y a même augmentation de la mortalité imputable aux maladies liées à l'amiante au cours de cette période). Nous avons donc pu constater que le traitement de l'information dépend des routines de sélection et que la redéfinition des affaires du SC et de l'amiante en scandale est le fruit d'une construction opérée par le journaliste. [...]
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