Léon Davidovitch Bronstein, plus connu sous le nom de Trotski, a très tôt tissé des liens privilégiés avec la France. En effet, il effectue quatre séjours successifs sur le sol français (1902, 1903, 1914 – 1916, 1933 – 1935), durant lesquels il multiplie les liens avec les milieux socialistes et syndicalistes français. Ces voyages ont été déterminants dans l'implantation du trotskisme en France. Trotski, par la création de son mouvement, officialisé par la quatrième (IVè) Internationale, a su préserver le communisme non stalinien, ce qui est de loin sa plus grande victoire. Le dissident Trotski a rendu possible la simple distinction communisme/stalinisme qui est lourde de conséquences. Elle a ainsi permis une autre voie possible du communisme, la naissance d'une extrême gauche influente et indépendante à l'égard de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), notamment en France. On peut ainsi dire que Trotski a su selon les mots de Marc Lazar "entretenir en France la passion française du communisme".
Cependant l'élan trotskiste, présent du vivant de Trotski ne lui survivra pas. La IVè Internationale échouera également quant à sa mission dans un contexte où le trotskisme trouve de plus en plus difficilement sa place. On peut, à partir de là, identifier quatre grands moments d'influence trotskiste depuis les années trente. Tout d'abord l'époque du Front Populaire, puis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (de 1945 à 1947), ensuite lors des années soixante et soixante-dix dites les années du "gauchisme ", et enfin lors de l'expérience de la gauche plurielle de 1997 à 2002. Cette dernière période s'est-elle cependant réellement achevée en 2002? Après la victoire du non en mai 2005, l'échec d'une candidature unitaire et les résultats mitigés du 22 avril 2007, quel est l'état actuel du trotskisme français?
On retrouve une certaine tradition française du trotskisme, la France étant le véritable berceau de la IVè Internationale. Ainsi tout au long de l'histoire du vingtième siècle puis du vingt et unième siècle, la France a du gérer cet héritage particulier tout en le faisant évoluer selon les lois de la démocratie. Cela implique la conservation d'une ligne politique précise tout en s'adaptant aux institutions de la cinquième République afin d'éviter que le trotskisme soit évincé de la scène politique française.
Le trotskisme apparaît de prime abord comme une doctrine ancrée dans l'histoire du fait de son opposition au stalinisme. Dans cette mesure, la pensée de Trotski, premier élément de cette doctrine politique, s'est définie comme une critique radicale opposant une pureté théorique et une rhétorique de la trahison de la révolution et des idéaux marxistes-léninistes. Se pose donc la question de la gestion de l'héritage, tant doctrinal – relevant directement de la figure de Trotski – que politique – lié à l'expérience politique du mouvement trotskiste.
[...] Marc Lazar Revenons à la théorie développée par Trotski et l'idée d'un programme de transition. La révolution, comme le démontre d'emblée Marx, est un processus à long terme, le système capitaliste accouchant lui-même des forces qui le renverseront par la suite. Trotski propose, avec son programme de transition, de démontrer les contradictions inhérentes du capitalisme, afin de mieux le fragiliser et de hâter son renversement. Nous sommes dès lors tentés d'établir un parallèle entre le programme de transition proposé par Trotski, qui s'inscrit dans une temporalité immédiate afin de parvenir à un but sur le long terme, avec les propositions politiques et autres programmes des partis trotskistes. [...]
[...] Mais c'est vrai qu'en France il y a eu un certain impact du trotskisme et qu'il y a eu une certaine forme de trotskisme culturel, caractérisé notamment par ces deux points dont je parlais tout à l'heure : l'hostilité au stalinisme, le vieux et historique combat contre les staliniens, le communisme sous la version autoritaire, dogmatique, répressive de l'URSS et qui a fortement marqué les consciences des gens qui ont été trotskistes, et d'autre part cette défiance à l'égard du réformisme parce que l'on est hostile, quand l'on est trotskiste, au capitalisme, et on veut une rupture importante Marc Lazar Mais le trotskisme culturel, exception française, s'il apparaît, au premier abord, comme une force pour le mouvement trotskisme, a aussi un inconvénient, il retire sa primordialité à la rupture révolutionnaire et abouti au développement d'une gauche moraliste qui a pour premier objectif la défense des "sans". Philippe Raynaud parle alors de "révolution des sentiments". Nous nous pencherons par la suite sur cette expression particulière. La révolution : Un horizon régulateur ? [...]
[...] La Ligue a évolué depuis et elle se réclame toujours de la révolution mais elle a du mal à dire en quoi consistera la révolution. Troisième problème : c'est clair qu'il y a un espace à gauche du PS comme dans tous les pays où il y a un grand parti socialiste, comme le Labour au Royaume-Uni, les démocrates de gauche en Italie ou en Allemagne. On a des courants "droitisés" et d'autres plus à gauche au sein de la gauche. Il y a un espace puisque le PCF s'effondre. Mais comment occuper cet espace ? [...]
[...] C'est quelque chose qui évolue, se transforme Daniel Bensaïd Daniel Bensaïd propose en ce sens de nouvelles définitions, et travaille à inclure de nouveaux concepts dans le corpus théorique de la Ligue, comme l'idée de stratégie, notamment en ce qui concerne les enjeux électoraux (cf. infra) Ainsi l'héritage est à géométrie variable et est souvent utilisé dans des proportions différentes selon les organisations partisanes. En effet, les textes de Trotski sont semble-t-il un héritage qui perdure au fil des générations. Mais si ils servent de véritable et unique base idéologique pour les membres de LO, ils sont devenus de simples références culturelles au sein de la LCR souvent complétées par les travaux des doctrinaires du parti. [...]
[...] Et de l'autre côté la LCR, mais aussi LO et surtout le PT, sont des organisations qui assurent la défense des acquis du système de protection sociale, et parfois cela va à l'encontre de leur position internationaliste, via la défense de la France sociale par rapport aux autres pays de l'Europe. Ils se retrouvent parfois dans des contradictions très fortes. Cela est dû au fait que le thème du service public est devenu fondamental. Et la LCR qui avait toujours été critique dans son passé vis-à-vis de la bureaucratisation de l'Etat, pur replâtrage du capitalisme, se retrouve le meilleur défenseur des services publics. Pourquoi cette position ? [...]
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