L'année 1976 est marquée dans le champ de la science politique par la publication de deux ouvrages majeurs concernant l'étude du phénomène partisan : Party systems and voter alignments : cross-national perspectives de Seymour Lipset et Stein Rokkan et Parties and Party Systems de Giovanni Sartori.
En Argentine, l'année 1976 est celle de la prise du pouvoir par une junte militaire inaugurant cinq années de suspension des institutions démocratiques et d'interdiction d'activité partisane. Le rapprochement fait ici entre ces deux « évènements » peut paraître inconséquent. Pourtant, la coïncidence peut nous amener à réfléchir sur un problème central en sciences sociales, celui de l'universalité des paradigmes.
Peut-on par exemple, lorsque l'on analyse les systèmes partisans appliquer les mêmes schémas à des Etats occidentaux où les institutions démocratiques, fruits d'une construction séculaire, semblent solidement enracinées, qu'à un pays comme l'Argentine qui, bien que formellement démocratique depuis la promulgation de la Constitution de 1853, n'a expérimenté que de façon discontinue et instable la pratique du jeu de la démocratie représentative ?
L'intérêt à étudier le cas argentin est donc double. D'une part, la démarche obéit à une logique de clarification d'un cas national complexe. D'autre part et surtout, cette analyse peut permettre d'exercer un regard critique sur la valeur heuristique de concepts et paradigmes essentiellement façonnés par la science politique européenne ou nord-américaine. Ce travail n'est pas un essai d'érudition. Il étudie les partis en Argentine d'un point de vue systémique c'est-à-dire en se focalisant sur les interactions entre entités partisanes au sein d'une structure de compétition particulière.
[...] Un exemple emprunté à l'Argentine des années 1955-1973 permet de le montrer. En effet, au cours de ces années, la proscription du parti péroniste l'interdit de participer directement aux élections en présentant des candidats. Pourtant, il continue à peser sur les stratégies adoptées par les autres partis. C'est par exemple sur l'attitude à adopter vis-à-vis des péronistes proscrits que le parti radical se divise à partir de 1955 entre U.C.R. Intransigeante (U.C.R.I.) favorable à la levée de l'interdiction et U.C.R. du Peuple (U.C.R.P.) hostile à l'officialisation du parti péroniste. [...]
[...] L'alliance avec la U.C.R. est formalisée en 1999 lorsque les deux partis présentent une formule commune baptisée l'Alliance qui leur permet de remporter l'élection présidentielle de 199963. L'alliance U.C.R./Frepaso disparaît toutefois en 2001, le gouvernement de l'Alliance étant impliqué dans des scandales de corruption et finalement poussé à la démission lors des émeutes de décembre 2001. Au centre-gauche apparaît alors l'A.R.I. d'Elisa Carrió parti né d'une scission de la U.C.R. et agrégeant radicaux et socialistes qui vient occuper l'espace de centre-gauche laissé inoccupé par le Frepaso. [...]
[...] De plus, deux des partis qui recueillent régulièrement le plus de suffrages depuis 1983 la U.C.R. et le P.J. sont des partis qui ont une longue existence institutionnelle. Toutefois, celle-ci se heurte au sein de la U.C.R. à l'existence de divisions persistantes50. En outre, les tiers partis du centre-gauche et centre-droit ne connaissent pas cette stabilité : certains disparaissent le Parti Intransigeant au centre-gauche, l'UCéDé dans les années quatre-vingt et l'A.P.R. dans les années quatre-vingt-dix au centre-droit et d'autres apparaissent Recrear au centre-droit, A.R.I. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, ce sont davantage des hypothèses que des certitudes qui sont ici avancées, la situation partisane argentine étant loin d'être stabilisée. A cet égard, l'Argentine, après le passage à la démocratie en 1983, est probablement en train de vivre une seconde transition consistant en la restructuration de son système de partis. Ceux-ci étant les acteurs indispensables de toute démocratie représentative comme l'a montré à rebours l'expérience argentine de la seconde moitié du dix-neuvième siècle au dernier tiers du vingtième ces deux transitions peuvent être considérées comme ne faisant en réalité qu'une. [...]
[...] L'analyse des systèmes de partis dans les régimes non libéraux nécessite de prendre en compte non seulement l'étendue de la compétition 22 Alan Ware fait d'ailleurs remarquer qu'au moment où son ouvrage Parties and Party Systems est publié en 1976, seule une minorité de cas nationaux esr inclues dans la typologie de Sartori Le pacte consistait pour Perón à accorder son soutien à Frondizi en échange d'une prochaine levée de la proscription. Le pacte est finalement rompu en 1959. Lors élections législatives de 1960, Perón donne une consigne de vote en blanc à ses partisans qui atteint 24,6% des suffrages. [...]
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