Si le XXe siècle marqua pour la France l'achèvement de son processus démocratique avec l'obtention du droit de vote pour les femmes ainsi que la stabilisation des pouvoirs publics sous la Ve République, l'avènement récent du XXIe pourrait lui incarner pour notre pays l'émergence de la démocratie dite participative, dans laquelle les citoyens ne se contentent plus d'élire leurs gouvernants, mais de participer activement aux processus de prise de décision… Cela relève du constat global que les électeurs se montrent de plus en plus exigeants envers les politiques, avec lesquels un fossé s'est indubitablement creusé en France depuis les années 80, fossé dont le 21 avril 2002 fut le point d'orgue…
La politique est donc à réinventer en France : le citoyen n'est plus docile, désormais il s'abstient, décide ou change son vote au dernier moment, affiche ouvertement ses affinités avec des tendances politiques extrêmes, renverse souvent la majorité lors d'une nouvelle élection ; mais encore plus que ça, il manifeste, demande des comptes, s'implique dans la vie associative, le tout étant largement relayé par les médias, ces derniers eux-mêmes étant nettement plus indépendants du pouvoir que lors des débuts de la Ve République… C'était du moins la tendance observée dans notre pays jusqu'à ce que la dernière élection présidentielle ne permette l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération de politiques, ce qui a commencé quelque peu à changer la donne…
La confiance à rétablir
La réponse apportée par les politiques pour remonter dans l'estime des citoyens ne s'est pas faite attendre : les mots clés de cette réponse sont concertation, gouvernance , proximité, dialogue… Dans une société désormais de plein pied dans l'ère de la communication à outrance, chacun s'est mis à soigner son image d'«homme de terrain», à l'écoute des «vrais gens», ces énarques pour un grand nombre d'entre eux ayant beau jeu de dénoncer une certaine centralisation excessive, ils privilégient le bon sens et le pragmatisme, valeurs qui seraient l'apanage d'une certaine «France d'en bas»…
C'est alors tout naturellement que les idées de démocratie participative et d'ancrage local ont émergé, ce qui a profondément bouleversé les processus décisionnaires dans le monde politique : le gouvernement cède du terrain au profit de la gouvernance, la prise de décision par les autorités publiques n'est plus seulement le lancement d'un processus mais en est déjà l'aboutissement d'un autre, d'une concertation avec tout un panel d'acteurs publics et privés, concernés d'une façon ou d'une autre par le champ d'application de cette décision…
La démocratie participative est une notion élastique, qui peut recouvrir de larges possibilités : institutionnalisée avec la possibilité du référendum d'initiative populaire, formalisée avec les multiples consultations organisées par les élus locaux, mais aussi informelle avec les rencontres et interactions quotidiennes qui ont lieu entre les politiques et leurs administrés, tournées de quartiers, rencontres associatives, marchés ou même rencontres à l'improviste… La démocratie participative ne doit pas se limiter au référendum car elle relève avant tout d'un état d'esprit : inclure des personnes issues de la société civile dans une liste de candidature, lancer des structures de campagne en dehors des partis politiques, c'est permettre au citoyen non politicien de profession de s'engager politiquement, c'est donc aussi une forme de démocratie participative…
La France est un cas singulier dans la mesure où la démocratie participative est ancrée dans les esprits mais pas encore dans les textes, ni tellement dans les faits, à l'inverse de certains pays étrangers qui ont une longue pratique en la matière. Les dirigeants français tiennent encore trop à conserver l'intégralité de leurs prérogatives et rechignent à autoriser explicitement certaines mesure phares comme pourrait l'être le référendum d'initiative populaire, invoquant leur légitimité d'élus, faisant d'eux les seuls aptes à décider pour les autres. C'est donc bien plus au cas par cas, commune par commune, département par département, selon le bon vouloir des exécutifs locaux, que des formules de participation citoyenne sont mises en œuvre… Cependant cette émergence est encore timide en France, pays dont la tradition d'un pouvoir fort et centralisé a la vie dure, quand bien même a-t-on voulu récemment préciser à l'article premier de notre Constitution que son «organisation est décentralisée ». Cette décentralisation constitue indéniablement un corollaire quasi-indispensable à la mise en œuvre de la démocratie participative, qui trouve l'essentiel de son application au niveau local : en effet la concertation, la proximité directe avec le citoyen sont plus aisées à réaliser à petite échelle, pour des enjeux touchant à la vie quotidienne… C'est ce que les citoyens ont su eux-mêmes parfaitement comprendre, notamment en s'organisant en instances représentatives ou censées l'être, comme les Comités d'Intérêt de Quartier (CIQ), désormais interlocuteurs privilégiés et incontournables de toutes les communes qui en comptent sur leur territoire…
Des motivations politiques ambiguës
Quelles que soient les réticences et les débats qu'a suscités et que suscite encore aujourd'hui la démocratie participative , le thème est dorénavant incontournable et tend à gagner encore de plus en plus de terrain à l'avenir, à la fois parce qu'il représente une réelle opportunité d'expression pour les citoyens, et parce que les politiques commencent à entrevoir les avantages multiples que peut offrir un tel mode de gouvernance. Il est d'ailleurs difficile de déterminer si le concept de démocratie participative a fini par s'imposer en France parce que répondant à un besoin réel des citoyens, ou si ce ne sont pas les politiques eux-mêmes qui ont trouvé en lui une tentative de réponse à la crise de confiance entre eux et les électeurs…
En effet la démocratie participative n'aurait jamais pu émerger sans avoir été mise en œuvre par les dirigeants politiques eux-mêmes, que ce soit par la loi ou des initiatives personnelles au niveau local, englobant tout moyen de se confronter directement à l'opinion des gens, que ce soit sur des considérations générales ou sur une question particulière…
La proximité est aujourd'hui une valeur essentielle sur laquelle nos hommes politiques sont jugés : favoriser la démocratie participative et plus généralement apparaître comme un interlocuteur directement à la portée du citoyen lambda permet à l'homme politique d'être en phase avec son temps, de créer ou de renforcer son capital nom et son capital réputation. En cela les slogans des deux principaux candidats à la dernière élection présidentielle sont assez révélateurs : que ce soit avec Ensemble tout devient possible de Nicolas Sarkozy, ou La France présidente de Ségolène Royal, qui se veut ainsi l'incarnation de tous les Français, l'accent est mis sur le fait que le président élu gouvernera avec tous ses concitoyens…
On peut alors légitimement se demander si cette nécessité de proximité et d'ancrage local n'a pas finalement été instrumentalisée par le politique aux fins de se faire élire ou réélire, sans que les citoyens n'en retirent beaucoup de profits. Consultés, ils le sont largement désormais. Mais leurs avis sont-il pour autant suivis, ou sont-ils seulement les maillons d'une ambition, d'une stratégie électorale ? Il est intéressant de noter qu'à ce jour il n'existe pas de réelle possibilité de référendum d'initiative populaire en France, et que donc les dirigeants politiques bénéficient encore d'une relative marge de sécurité : la participation oui, mais lorsqu'ils la décident…
Il est ainsi difficile de ne pas relever les ambivalences de cette volonté de proximité, et la plupart des citoyens ne sont pas dupes. Il est cependant frappant de constater que non seulement ils en jouent le jeu, mais sachant bien qu'entre la proximité et le clientélisme il n'y a qu'un pas, nombreux sont ceux qui le franchissent en exprimant des demandes on ne peut plus personnelles, moyennant ainsi leur vote. C'est cet aspect qui pose un doute sur l'objectivité des résultats des démarches entreprises par les politiques, et qui fait dire également que vox populi n'est pas systématiquement vox dei…
[...] Sans préjuger le moins du monde des évolutions à venir de cette dynamique de participation, nous avons voulu montrer à quel point la volonté politique et la réflexion sur les procédures restaient en retrait des promesses ouvertes par ce renouvellement des formes démocratiques. Il ne revient évidemment nullement à l'observateur critique que nous sommes de dire ce que cette démocratie nouvelle devrait être. L'objectif de cette contribution était de mettre au clair certains des enjeux que de tels processus recouvrent. [...]
[...] Il s'agit dans ces cas-là de situations de détresse qui effectivement ne favorisent guère la réflexion à long terme : l'équipe des Ateliers de l'Avenir, après avoir entendu les récits de plusieurs situations insoutenables de la part d'habitants reçus par Bruno Genzana dans le cadre de ses permanences à Encagnane ou dans les quartiers nord, était d'ailleurs profondément convaincue que la détresse de ceux qui se sont exprimés au cours de la consultation sur ce sujet devait être équivalente à celle de ceux reçus par Bruno Genzana. Quant à la question de la propreté, elle aussi figure parmi les problèmes immédiats, étant donné la réputation touristique et culturelle d'Aix-en-Provence. En tant qu'adjoint au tourisme, Bruno Genzana n'a jamais caché que les commentaires laissés par les gens sur le Livre d'Or de l'Office du Tourisme critiquent parfois sévèrement la ville, jugée manquant de propreté, avec un esprit civique à géométrie variable. [...]
[...] Cependant le référendum d'initiative populaire ainsi que la saisine du Conseil Constitutionnel constituent bien évidemment des thèmes sur lesquels la Commission pour la réforme des institutions présidée par Edouard Balladur ne va pas tarder à rendre ses décisions Après avoir tenu le haut du pavé pendant la dernière campagne présidentielle, l'idée de démocratie participative est désormais quelque peu en veilleuse, mais ne manquera pas de ressurgir lors de la publication des travaux de la Commission Balladur. Les Français ne se privent cependant pas de participer, notamment au niveau local et d'une manière non institutionnelle : l'exemple de la consultation de Bruno Genzana à Aix-en- Provence en est représentatif Le cas d'école d'Aix-en-Provence Un exemple significatif d'une volonté de consultation de la population locale en toute proximité d'une part, mais sans être totalement dénué de toute stratégie électorale d'autre part, se trouve du côté d'Aix-en- Provence, ville ni trop petite ni trop grande avec ses habitants, et dont la vie politique est fortement agitée En effet, droite et gauche y sont divisées, sans oublier le centre, dont le leader local François-Xavier de Peretti suit pleinement depuis 2002 François Bayrou dans sa stratégie d'autonomie vis-à-vis de la droite, comme l'en témoigne sa posture ni dans la majorité, ni dans l'opposition ainsi que le lancement de sa structure l'Union pour Aix. [...]
[...] Le moindre électeur sera courtisé : or l'électorat aixois est justement réputé pour être versatile et relativement imprévisible Un électorat difficile à cerner Aix-en-Provence a connu deux périodes de mutations et de renouveau démographique et urbanistique. L'arrivée des rapatriés d'Algérie a accéléré la construction du quartier d'Encagnane et le lancement de l'urbanisation du Jas de Bouffan, deux quartiers populaires. Les années 90 ont été fastes pour le développement économique qui a vu plus de 10.000 habitants s'installer à Aix et qui a permis de promouvoir une politique d'équipements structurants. [...]
[...] Lorsqu'une minorité demande une réforme, le gouvernement (où tous les partis sont représentés en permanence) et le Parlement recherchent le consensus le plus large possible, afin d'éviter que leur action ne soit entravée par les initiatives populaires. L'usage intensif du référendum incite les partis politiques suisses à s'entendre, à passer des compromis (démocratie de concordance, par opposition à la démocratie d'alternance à la française). La démocratie participative à l'américaine, entre contrôle des citoyens et pouvoir des lobbies Les pères fondateurs des Etats-Unis n'avaient aucun goût pour la démocratie directe, car ils redoutaient la tyrannie de la majorité. La Constitution fédérale a donc institué au début un système purement représentatif. [...]
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