La démocratie camerounaise peut, à tous égards, revendiquer le mérite de la spécificité. En effet, une lecture attentive de la biographie de la révolution politique qui ébranle le Cameroun au début de la décennie 1990 ne manquerait pas de relever la congestion des lieux de production de cette nouvelle réalité sociale. L'enclenchement de ce processus, refondateur du lien politique, peut être analysé comme le résultat de l'interaction entre plusieurs dynamiques.
Tout d'abord, inspirée par la chute des systèmes communistes de l'Europe de l'Est, une dynamique éthérée (« vent de l'Est »), principal catalyseur et véritable mouvement pyromane qui embrasa toute l'Afrique ; ensuite, une dynamique par le haut, découlant de la volonté manifeste du chef de l'Etat de se hisser au panthéon des héros de la nation comme « l'homme qui a apporté à son pays la démocratie et la prospérité ». Manœuvre ingénieuse en fait qui a consisté à normaliser et, donc, donner vie, à un processus dont il ne pouvait de fait empêcher l'éclosion et surtout, qui lui a valu l'absolution des entités tutélaires du destin africain qui se rendaient soudain compte de la propension des gosiers africains à goûter au nectar de la liberté. Enfin, notons l'impulsion populaire ou dynamique par le bas, trop souvent minimisée par l'analyse, vivant témoignage pourtant, de la détermination du peuple , de rendre accessible un possible longtemps miroité.
Ainsi, à son apparition, la démocratie camerounaise ne constituait pas l'aboutissement d'un long processus cumulatif de revendications, de luttes, de contestations actives. Au contraire, l'expérimentation de cette nouvelle forme d'organisation sociale avait été insufflée par le milieu international ambiant, traversé alors par le « vent de l'Est », porteur d'un ordre symbole d'espoir et de changement. Donc, point de grandes et sanguinaires batailles menées au nom de la liberté et de la justice, point de massacre collectif des représentants du pouvoir en place , point de vestige spatial symbolique à laisser à l'investigation toponymique ! Au regard de sa soudaine apparition, et de l'accélération de son processus, l'émergence de la démocratie dans la vie politique camerounaise peut être comparée à cet arbre des légendes africaines qui grandit en une nuit.
[...] Toute opposition ou toute tendance s'écartant de cette norme était systématiquement réduite à néant. Pour s'affermir, l'autorité de l'Etat va puiser sa source, non dans l'assentiment et la confiance des populations censées lui conférer sa légitimité, mais dans un système répressif d'une sauvagerie rare. La terreur et l'iniquité deviennent ses principales collaboratrices. Ce système répressif est normalisé à travers un subtil dispositif normatif, la législation antisubversive, et répercuté par les différents gouvernements au pouvoir jusqu'à l'avènement salvateur de la démocratie. [...]
[...] Elle est le tribunal qui se prononce sur les significations et les valeurs de l'existence personnelle et de la vie collective. V. Yves Mongeau et JEAN Proulx, Libérer la démocratie Critère, no2, juin 2004. Ibid. Sociologie inventée par Max Scheler. Sociologie développée par Pierre Bourdieu. Peter Berger, Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Meridiens Klinsksieck, Paris, 1989,p7. Jean-Marc Ela, op.cit., p.8. [...]
[...] En effet, l'activité politique y est marquée par des éléments considérables de la domination charismatique. Il semble en effet que la trajectoire du parti est indissociable de celle du leader du parti. Il existe une symétrie dans l'affectation de légitimité entre un parti politique et son candidat et chef de parti Le SDF a lancé ses activités de facto malgré les interdictions du régime en 1990, ce qui fait de lui le premier parti politique d'opposition à exister au moment du retour du Cameroun à la démocratie. [...]
[...] Gurvitch définit la réalité historique comme la part prométhéenne de la réalité sociale c'est-à-dire que la réalité historique est la part de l'homme considéré comme sujet porteur d'intentionnalité et agissant en toute conscience sur son devenir. Cité par Janvier Onana dans un cours intitulé l'explication politique africaniste et l'histoire P3. Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. 5e édition. Paris : librairie philosophique J.Vrin, collection Bibliothèque des textes philosophiques, 257p. Discours préliminaire. Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale. [...]
[...] Cantonnés néanmoins dans le carcan du parti unique. La démocratie était donc possible, mais à l'intérieur du parti unique. De fait, de nombreuses élections plurielles ont été organisées durant cette période ; notamment l'élection présidentielle du 21 janvier 1984 qui (con)sacre Paul Biya chef de l'Etat avec un score de des suffrages exprimés, le renouvellement des organes de base du parti en 1986, les élections municipales du 25 octobre 1987, les élections législatives du 24 avril 1988. Notons en guise de commentaire, en reprenant à notre compte la phrase célèbre de Péguy, que Paul Biya avait délié les mains des Camerounais, mais ceux-ci n'avaient pas de mains ! [...]
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