« On prétend qu'il faut vivre avec son temps. Il faut non moins savoir penser à contretemps, de manière intempestive ou inactuelle, « à rebrousse-poil » disait Walter Benjamin. » La prescription de Daniel Bensaïd, qu'il dispense à l'égard de la gauche radicale tend à s'appliquer aux résistances aux changements technologiques. En effet, il a été nécessaire pour les précurseurs des mouvements d'opposition aux Organismes Génétiquement Modifiés et au nucléaire, de penser à contretemps face aux arguments avancés par les milieux dominants.
Ainsi, le développement de l'énergie nucléaire serait une impérieuse nécessité selon deux modalités, l'indépendance énergétique et l'exercice de la pleine souveraineté étatique. Les arguments en faveur des OGM allant encore plus loin dans leur prétendu caractère bénéfique. Ils seraient la solution aux problèmes de nutrition des hommes, la technique permettant de résoudre la famine, développant ainsi des ressources argumentaires destinées à culpabiliser les « résistants ». Dans une perspective plus générale, il a fallu penser à contretemps afin de dénoncer, de s'opposer, de résister au changement technologique dans une société où la croyance dans les valeurs de croissance et de progrès continu demeurait prégnante en dépit de contestations embryonnaires.
[...] Friedrich Engels, dans son ouvrage Anti-Dühring déc rivait les déterminismes qu'induisent les changements technologiques, et les incitations à l'innovation industrielle sur les choix ROBIN, Corey, La Peur. Histoire d'une idée politique, Armand Colin, Paris MULLER, Jean-Marie, opcit, p politiques : l'introduction de la poudre à canon et des armes à feu [ ] n'était nullement un acte de violence, c'était un progrès industriel »14. Avant d'ajouter que les progrès de la technique, dès qu'ils étaient applicables et appliqués dans le domaine militaire, obligeaient aussitôt et presque de force à des changements, voire à des bouleversements de la méthode de combat et qui plus est souvent contre le commandement de l'armée »15. [...]
[...] José Bové, figure médiatique de la désobéissance civile expose clairement la nécessité de comportements illégaux quant il s'agit de défendre la justice : Quand la nature est mise en péril, il faut outrepasser la loi »41. De la même façon Greenpeace oppose dans la description de sa méthodologie militante, la légalité et la légitimité. Cette transgression citoyenne de l'ordre établi constitue parfois un acte illégal. Elle est pourtant légitime, le fait dénoncé étant une agression bien plus grave allant à l'encontre de l'intérêt général »42. [...]
[...] Pikey, président de la Fédération du Travail de l'Ontario, devant la commission royale sur l'environnement du grand Nord, [exposait que] le mouvement ouvrier, refuse de tomber dans le piège de l'industrie concernant la nécessité d'échanger la protection de l'environnement contre des emplois [ ] Nous ne sommes plus aussi naïfs »50. Ici la jonction entre les deux mouvements inenvisageable auparavant est concrétisée. La définition de l'adversaire social doit alors répondre aux logiques qui sont sous-jacentes à l'introduction des technologies étudiées, à savoir la concentration du capital et in extenso la concentration de la capacité décisionnelle qui tendent à nier l'impact de telles technologies sur l'environnement de chacun afin de répondre aux intérêts politico-économiques de quelques uns. L'adversaire social devient alors plus que les simples appareils technocratiques. [...]
[...] La conception développée par le stratège militaire prussien, de la guerre comme continuation de la politique est corrélée à l'existence de contrainte pesant sur les déterminations des modalités de conduite de la guerre afin de ne pas tendre vers la violence absolue ce qui ôterait le caractère politique d'une telle pratique. Dès lors, il introduit une distanciation entre le pur concept théorique de la guerre selon lequel la guerre en tant qu'acte de violence n'emporte pas de limite à son expression, et la réalité du phénomène guerrier. En effet, ce que l'auteur de De la guerre, explique par la loi des extrêmes c'est qu'en tant que phénomène dicté par l'humain, la guerre ne peut tendre vers la destruction absolue. [...]
[...] En France, les populations locales, dans le cadre de l'opposition aux OGM, vont également se situer dans une perspective de la défense d'un mode de vie traditionnel et du terroir. Cependant ces motifs de résistances ne doivent pas être assimilés aux thèses réactionnaires de Charles Maurras faisant appel au pays réel contre le pays légal »27. En effet, la défense d'un mode de vie traditionnel est ici mobilisée en faveur du maintien d'une 24 BABIN, Ronald, opcit, p132 Alain Touraine défini les contre mouvement social comme la défense d'une communauté contre un ennemi considéré comme extérieur ou étranger, de sorte qu'il n'y a pas d'enjeu commun possible entre les deux adversaires TOURAINE, Alain, opcit, p BABIN, Ronald, opcit, p 142 TOURAINE, Alain, opcit, p agriculture familiale qui est éprouvée par le facteur technologique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture