« La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit » : Charles de Gaulle avec cette phrase résume clairement son ambition politique pour la France de l'après-guerre. On pourrait aussi bien attribuer cette citation à Hafez el-Assad, président de la Syrie de 1971 à 2000, date de sa mort. Cet homme s'est battu pendant trois décennies pour assurer à la Syrie le leadership au Proche-Orient. Ces trois décennies ont été marquées par la guerre civile au Liban et les conflits avec Israël principalement au sud Liban. Hafez el-Assad a donc mis en place un système totalement verrouillé politiquement par l'armée, les moukhabarrat (les services secrets syriens) et le clan alaouite. Toute opposition est réprimée et plus simplement empêchée pour assurer au pays une stabilité qui permettra au régime de pouvoir se concentrer sur les affaires régionales.
La France cherche à s'affirmer politiquement sur la scène internationale. La « politique arabe » de la France initiée par le Général de Gaulle est un exemple de cette vision diplomatique spécifiquement française. Les présidents qui le suivront continueront plus ou moins cette politique en tissant des liens avec les leaders arabes. F. Mitterrand ne se distingue pas par son enthousiasme cependant à mettre en place des partenariats franco-arabes même si au fur et à mesure de son mandat, il se rapproche de la vision gaullienne du Proche-Orient centré autour de l'Egypte, pays phare de la région. Mais c'est avec Jacques Chirac élu à l'Elysée en 1995 que commence véritablement une nouvelle ère dans les relations entre la France et le Proche-Orient. Dans un discours programme prononcé le 8 avril 1996 à l'Université du Caire, il énonce les différents points de la politique qu'il entend mettre en place. Entre la France et les pays arabes, il s'agit de dialoguer en partenaires égaux qui s'apprécient et s'estiment. De plus, Jacques Chirac rappelle l'attachement français au droit des peuples à la libre détermination de leur destin et son soutien à l'aspiration des peuples arabes à la solidarité et à l'unité (la France apporte son appui à la Ligue arabe). Enfin, il rappelle que la France soutient les aspirations du monde arabe à l'ouverture et à la paix : elle est aux côtés de tous ceux qui combattent l'extrémisme, le fanatisme et les forces de la haine. Avec ce discours, Jacques Chirac représente aux yeux des Arabes « cette étonnante continuité de la politique arabe de Bonaparte à Chirac, en passant par Thiers, de Gaulle, Giscard d'Estaing et Mitterrand. » Admiré par la majorité du peuple oriental qui reconnaît en lui l'homme de pouvoir et aimant le Proche-Orient, Jacques Chirac n'hésite pas à proclamer la nécessité d'aboutir à la coexistence de deux Etats, Israël et Palestine alors que la plupart des dirigeants occidentaux manient la langue de bois. Cette ambition du président d'aboutir à la paix en relançant les négociations est également marquée par le souci d'une certaine stabilité. C'est pourquoi, le soutien à la dictature baathiste de Syrie est primordial même si celui-ci dépend en grande partie des liens d'amitié marqués entre le président français et son homologue syrien Hafez el-Assad. La France soutient clairement la Syrie, malgré les problèmes d'ingérences au Liban, malgré le soutien syrien au Hezbollah et aux organisations palestiniennes oeuvrant contre Israël qui sont installées à Damas. Ce soutien ne faiblit pas avec l'arrivée au pouvoir en 2000 de Bachar el-Assad, le fils du président défunt. Le 26 juin 2000, le Conseil du peuple a en effet proposé à l'unanimité sa candidature (il est donc le seul candidat) et celle-ci a été ratifiée au suffrage universel, le 10 juillet 2000, par 97,29 % des électeurs. Jacques Chirac reçoit plusieurs fois Bachar el-Assad à Paris et se rend en Syrie en 2002. Les relations sont donc au beau fixe avec la conclusion de plusieurs contrats de coopération en matière culturelle et économique et la négociation d'un accord d'association avec l'Union Européenne (UE) signé en 2002. Cependant, les choses changent rapidement à l'été 2004 et la France négocie activement le vote de la résolution 1559 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui est adoptée en septembre 2004 avec le soutien des Etats-Unis (EU). La résolution 1559 constitue un virage radical de la politique française envers la Syrie. En effet, de soutien sans faille au régime syrien, on passe en l'espace d'un mois à des exigences de trois ordres : retrait de l'armée syrienne et des services secrets syriens du Liban, désarmement des milices nationales ou étrangères du territoire libanais (on vise notamment le Hezbollah), et organisation d'élections libres sans ingérence étrangère au Liban. Il s'agit de favoriser la pleine souveraineté du Liban sur son territoire et ses affaires intérieures. Ces exigences ont au départ peu d'impact mais sont fortement réaffirmées après l'assassinant de Rafic Hariri, ancien premier ministre libanais, le 14 février 2005. Les pressions internationales sur la Syrie se font alors de plus en plus fortes.
Comment peut-on comprendre la position de la France envers la Syrie à travers ce prisme de la résolution 1559 ? En effet, la politique française en Syrie est difficilement compréhensible et on dispose de peu d'informations pour pouvoir éclaircir ce revirement soudain. La 1559 donne néanmoins un angle de vue qui permet d'aborder un aspect de la politique française afin de cerner certains enjeux pour la France au Proche-Orient. Il s'agit donc ici de poser des hypothèses, de proposer une analyse qui sera la plus proche de la réalité. Mais le manque de données fiables et de recul empêche toutes certitudes.
Il convient donc dans un premier temps d'analyser les raisons du vote de la résolution 1559 par la France. L'histoire des relations franco-syrienne, les intérêts français en Syrie ainsi que les relations franco-américaines sont autant d'éléments qui apportent des éclairages intéressants sur le revirement français. Il nous faudra dans un deuxième temps étudier les étapes de la mise en œuvre de la résolution. Cette résolution est dans une certaine mesure difficilement applicable. La France, par sa nouvelle politique marquée par un pragmatisme nouveau et un souci de procéder par étapes au Liban, ne se condamne-t-elle pas à l'inefficacité ?
[...] Elle est constante depuis 1978 et le vote de la première résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la souveraineté du Liban. Je vous rappelle également l'attachement de la France à la souveraineté libanaise qu'avait notamment exprimé le président de la République en octobre 2002 à Beyrouth même et qu'il a rappelé le 27 août dernier. Cette résolution n'induit donc aucun changement de la politique française au Moyen-Orient[23]. Les Américains quant-à eux cherchent à faire pression sur Damas pour plusieurs raisons. [...]
[...] Aujourd'hui, la Russie tente de faire entendre sa voix et elle a contribué à faire renaître la confiance entre le régime syrien et la Commission de l'ONU début 2006. La Russie est donc un acteur important et peut, avec la Syrie, tenter de contrecarrer l'hégémonie américaine. La Chine quant-à elle est un soutien économique important pour la Syrie et peut à ce titre œuvrer pour la stabilité du pays. Son influence politique reste cependant moindre. Dans ce contexte, la pression de la communauté internationale pèse d'autant plus lourd sur la Syrie. [...]
[...] Ce bénéfice serait ainsi un formidable gain pour la France avec des contrats en cours. Pierre Girard-Hautbout explique ainsi que des contrats ont été signés avec Airbus, la France doit livrer des autobus à Damas, des pourparlers sont en cours pour la reconstruction de l'aéroport de Damas et le système d'assainissement des eaux. On sent une certaine effervescence Mais en analysant de plus près les chiffres des échanges commerciaux entre la France et la Syrie, on s'aperçoit que la Syrie ne présente aucun intérêt économique pour la France.[18] On a assisté à une contraction des échanges entre les deux pays en 2002 et 2003. [...]
[...] Les troubles institutionnels ne vont pas dans l'intérêt du Liban qui ne peut vivre sans la Syrie (et inversement d'ailleurs). Il faut donc encourager les deux pays à renouer des relations diplomatiques saines sans ingérences mais aussi sans indifférence. Israël lui même n'a pas intérêt à ce que Bachar parte car il incarne la stabilité (pas de problèmes à la frontière). Une montée de la contestation pourrait voir des opposants à Israël plus radicaux arriver au pouvoir en Syrie. Il semble que la France n'a pas les moyens de ses ambitions au niveau diplomatique ou militaire. [...]
[...] (Il y a des divergences entre la France et les Etats-Unis sur le fonctionnement du Hezbollah. Est-ce que vous pouvez détailler ? Est-ce que M. le ministre est d'accord avec son homologue américain Je ne sais pas d'où vous tenez vos informations, parce que j'ai, au contraire, souligné . ? propos du Hezbollah Cette question fait partie des dispositions qui sont contenues dans la résolution 1559, dont nous demandons la pleine mise en œuvre, comme cela figure d'ailleurs dans la déclaration conjointe : "nous appelons à la pleine mise en œuvre de la résolution 1559" et donc celle-ci doit être appliquée dans toutes ses dispositions. [...]
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