László Moholy-Nagy dans Painting, photography, de 1925 posait ainsi les postulats de base d'une réflexion sur l'avènement du médium photographique et ses conséquences sur l'Art en général. Car dès maintenant, il convient de souligner que la photographie incarne la modernité, et comme un logique effet, qu'elle est de plus en plus présente dans les manifestations d'avant-garde. Tandis que Raoul Hausmann, dadaïste berlinois, prônait « une éducation de l'œil par l'optique mécanique » , Moholy-Nagy, engageait la discussion sur le dépassement des formes traditionnelles de l'Art qu'impliquait invariablement l'entrée dans l'ère de la reproductibilité technique. L'artiste, selon lui, ne devait plus se contenter de représenter, il devait produire en fonction des nouvelles technologies qu'il avait à sa disposition. Celui-ci en outre, se dégageait du critère de « professionnalité » de rigueur jusqu'alors, puisque ces mêmes nouveautés technologiques permettaient l'amateurisme du fait de la vulgarisation de la pratique photographique, avec la création des premières caméras. Ce renouveau de l'art se fondait donc premièrement sur le développement d'un véritable langage découlant des propriétés intrinsèques de la photographie. Deuxièmement, il portait en filigrane une réelle discussion sur la représentation du Réel et par-là même, sur les fonctions politiques de la photographie.
C'est au sein des avant-gardes allemandes et soviétiques des années 1920 que l'on retrouve les échos les plus directs des théories de Moholy-Nagy. En Union Soviétique, c'est à travers les travaux de Rodchenko ou de El Lissitzki que s'exprime le mieux l'exaltation du médium photographique, destiné à mettre en place une nouvelle vision collective au service de l'idéal révolutionnaire. Pourtant, au cours de cette étude nous nous concentrerons davantage à considérer l'usage de la photographie dans le dadaïsme berlinois. C'est en effet par le prisme de ce courant d'avant-garde que la photographie trouvera sa déclinaison la plus significative, d'un point de vue artistique mais aussi idéologique. Par le regard critique, mélange d'utopie et de révolte, qu'apposait Dada sur l'Allemagne d'entre-deux-guerres, le photomontage s'est progressivement imposé comme « construction artistique » aux velléités symptomatiques Dada, puis pamphlet politique, et enfin arme de propagande redoutable. Le photomontage, pour et par les dadaïstes, traduisait « [leur] haine de l'artiste (…) [Se] concevant plutôt comme des ingénieurs, [ils voulaient] construire, assembler [leurs] œuvres, les monter » . Dans ce mouvement, il se différenciait des utilisations faites par ses prédécesseurs par sa claire intention politique. Pourquoi s'intéresser de si près au photomontage ? Parce qu'il se situait au carrefour de nombreuses dialectiques : celle de la vérité et du mensonge, celle de l'objectivité face à la subjectivité, et enfin dans celle de l'unicité contre la productivité. Sa problématique était celle de tout l'art du XXème siècle. A l'aphorisme de Lautréamont qui caractérisait le photomontage comme quelque chose de « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie », nous y ajouterons dans cette étude l'analyse des dimensions idéologiques et politiques qui lui sont inhérentes.
Ainsi, à Berlin, le photomontage dadaïste aurait-il été la manifestation la plus caractéristique du regard de l'artiste sur son époque et sur lui-même ?
Il est nécessaire pour comprendre le développement de la photographie et son appropriation par Dada d'évoquer le contexte dans lequel l'un et l'autre se sont unis (I). C'est notamment grâce à e nouvelles modalités artistiques et notamment le photomontage que le mouvement Dada a essaimé et modelé un discours social, idéologique et politique sur la société (II). C'est d'ailleurs dans l'œuvre de John Heartfield, photographe berlinois, que l'on a pu trouver l'expression la plus aboutie du photomontage politique (III).
[...] De nombreux artistes durent s'exiler, tandis que le couperet de la censure s'abattait sur la presse. Désormais les rédacteurs des journaux illustrés allemands étaient sélectionnés en fonction de leur fidélité au régime. Le paysage visuel se réduit à la publication de photos officielles et de propagande pronazie en vue de construire le culte de la personnalité d'Hitler. Citons à titre d'exemple le photographe officiel d'Hitler, Heinrich Hoffmann. Ce dernier effectuera un travail d'étude important sur les gestes et les postures du führer afin de les réutiliser durant ses discours. [...]
[...] Le photomontage : archétype du discours dada Insister sur cet enracinement idéologique ne signifie aucunement tourner le dos à la réflexion esthétique, voire philosophique que l'usage de la photographie produira sur l'ensemble des arts. La force des avant-gardes n'est pas seulement d'être conçue comme une révolution artistique mais également comme une praxis critique permanente de la condition moderne Dada est à cet égard une de ses plus intéressantes manifestations. La forme : réflexion sur l'œuvre d'art A ce propos, la pensée de Walter Benjamin, transmise dans son livre L'œuvre à l'ère de la reproduction mécanisée (1936) énonce les postulats sur lesquels il faut prendre pied pour comprendre cette idée. [...]
[...] Sa production de photomontages sera tout de même intense. - Annexe 8 : Photomontage de 1930 paru dans le numéro 40 d'A.I.Z., dans lequel on note sa préoccupation grandissante face à l'avènement du nazisme. 6 millions d'électeurs nazis, c'est de la nourriture pour un grand poisson Le NSDAP, parti hitlérien, recueillait alors 6 millions de voix lors des élections du 14 septembre 1930, et devenait la seconde formation politique allemande. - Annexe 9 : Son image la plus connue est celle de Adolf le surhomme : il avale de l'or et recrache du fer blanc publiée en juillet 1932 et montrant Hitler avec une colonne vertébrale constituée de monnaie. [...]
[...] [ ] Dada, qui était une sorte de critique culturelle, ne s'arrêtait devant RIEN ! Et il est exact qu'une partie éminente des premiers photomontages poursuivait avec une ironie mordante les évènements contemporains Le photojournalisme : corps et cœur d'une République illustrée En juxtaposant ou superposant un grand nombre de figures extraites de l'actualité et de la culture populaire allemande, le photomontage vise à un discours particulier, tant par la nature même de ce discours de propagande politique et réflexion sur le concept de l'art que par sa forme. [...]
[...] Comme ce témoignage même repose sur cette durée, dans le cas de la reproduction, où le premier élément échappe aux hommes, le second le témoignage historique de la chose se trouve également ébranlé. Rien de plus assurément, mais ce qui est ébranlé, c'est l'autorité de la chose Ainsi, il définit la notion d'« aura comme l'inexorablement atteint dans l'œuvre d'art reproductible. Un évènement produit une fois pouvait devenir un phénomène de masse par la multiplication des exemplaires et l'objet reproduit était visible dans n'importe quelle circonstance, donc actuel. Deux processus qui selon lui bouleversaient la tradition, ainsi que la réalité transmise. [...]
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