Les comportements assimilables à de l'obstruction parlementaire se recoupent en un même dessein : celui de ralentir au maximum une prise de décision, comme l'adoption d'une loi. Les règlements des chambres ou la Constitution fondent la légitimité juridique de l'obstruction, bien qu'en réalité les rédacteurs des textes en question n'envisageaient sûrement pas l'utilisation abusive des dispositions qui devaient y être notifiées ; Michel Debré n'a sans doute pas pensé qu'un dépôt de 137 449 amendements serait possible en une fois et permettrait à l‘opposition de retarder indéfiniment le débat.
En effet, l'obstruction parlementaire peut être considérée comme un phénomène assez paradoxal : il s'agit de retarder une prise de décision, tout en sachant pertinemment que cette même décision a de très fortes chances d'aboutir. Par exemple, la loi pour le PACS a abouti en 1999 malgré l'obstruction de Christine Boutin, et la fusion de GDF et de Suez a effectivement eu lieu en février 2006, et ce même après le dépôt record d'amendements de la coalition PS-PCF. Dès lors, si l'objectif en lui-même n'est que de ralentir l'adoption d'une loi, et non pas de l'empêcher, l'obstruction parlementaire apparaît d'ores et déjà comme nuisible au libre fonctionnement de la démocratie. En découle donc la question de la légitimité éthique [?] (et non juridique) de cette technique.
Dès lors, nous tenterons de répondre à la problématique suivante : l'obstruction parlementaire est-elle plus le signe d'une immaturité démocratique qu'un droit légitime se devant d'être garanti à l'opposition parlementaire ?
[...] 479-528. Articles du Figaro, de Libération, de l'Express et du Monde. [...]
[...] Dès lors, l'obstruction parlementaire peut être vue comme un moyen d'action concret pouvant être saisi par l'opposition. Dans la procédure législative, les votes s'opèrent selon une habitude manichéiste du pour ou du contre (pour ou contre une partie du texte, ou l'ensemble du texte), ce qui peut apparaître comme difficilement conciliable avec la notion de compromis, ce qui est assez paradoxal au sein d'un régime démocratique. Ainsi, il existe des projets de loi sur lesquels aucun consensus n'est possible ; par exemple, l'abolition de la peine de mort n'appelle pas à rechercher un quelconque arrangement avec les opposants d'une telle réforme : on abolit la peine de mort, ou on ne l'abolit pas. [...]
[...] On peut également entrevoir une autre logique pour annihiler les effets pervers de l'obstruction parlementaire. On constate en effet que la majorité des projets sur lesquels l'opposition décide de faire obstruction sont des sujets polémiques (comme la loi cadre sur la protection des minorités linguistiques en Italie, la privatisation de la Poste en France, Dès lors, dans un dessein visant à atteindre le consensus plus que l'affrontement entre bloc majoritaire et opposition, pourquoi ne pas voter à majorité qualifiée sur des sujets dits épineux ? [...]
[...] Cela se traduirait donc pas une limitation du dépôt d'amendement, du droit au rappel de règlement, du temps de parole, etc. Autant de mesures à prendre contre l'obstruction parlementaire, qui en réalité diminuerait la capacité de l'opposition à justement s'opposer à la majorité, laquelle verrait ainsi sa liberté d'action décuplée. Dès lors, encadrer l'opposition et annihiler ce droit d'obstruction reviendrait également en un sens à stériliser le débat puisque l'opposition serait marginalisée et condamnée à voter contre des projets de loi qui seront de toute manière adoptés. [...]
[...] Et nous avons vu précédemment les cas où l'obstruction parlementaire est préférable. Cependant, l'obstruction permet à l'opposition de peser sur la scène politique, mais elle lui permet également d'exister Les logiques existentielles de l'obstruction parlementaire. En effet, on peut appréhender l'obstruction parlementaire mue par les logiques existentielles de l'opposition. Il est vrai que l'opposition utilise assez fréquemment l'obstruction comme une méthode visant à faire parler d'elle. Quoi de plus spectaculaire en effet que de s'être exprimé plus de 22 heures devant une assemblée ? [...]
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