u fait de sa taille, de son caractère multiculturel, multicommunautaire, du système de caste difficilement perceptible comme moderne par un observateur occidental, l'unité de l'Inde peut paraître insaisissable. On envisage alors les difficultés mêmes structurelles que cet Etat continent peut rencontrer dans son entreprise d'éveil à une conscience politique collective de modernisation et à terme d'instauration d'une démocratie dans toute sa dimension politique et sociale. Et pourtant aujourd'hui, l'Inde se proclame comme étant « la plus grande démocratie du monde ». Si cette affirmation fait surtout référence au nombre d'électeurs (l'Inde est avec 1 milliard d'habitants le deuxième pays le plus peuplé du monde), on peut s'intéresser à l'effectivité de son affirmation. La démocratie politique, tout d'abord, tend à s'affirmer depuis l'indépendance sur des bases introduites par l'empire britannique et matérialiser par les pères fondateurs de l'Inde que sont Gandhi, Dr. Ambedkar et Nehru. Il existe néanmoins des limites évidentes à sa complète affirmation, que constituent par exemple la corruption et les violences lors des séquences électorales. Mais des garanties toujours plus nombreuses tendent à faire de l'Inde un Etat de droit. La démocratie ne peut pour autant se satisfaire de sa dimension politique et se réalise pleinement que si il s'accompagne d'une démocratie sociale dans laquelle le peuple est souverain. Le développement de cette dernière est beaucoup plus récente en Inde et, date des années 1970. Dans son processus de démocratisation émerge une problématique autour de l'adaptation des constructions politiques issues de l'influence britannique au caractère spécifique de la société indienne. David Annoussamy soutient par exemple que le modèle de démocratie parlementaire proposée par les Britanniques n'était pas adaptée à la société indienne et la conduite dans une démocratie dont elle doit désormais ce sortir. Christophe Jaffrelot semble au contraire affirmer que les Indiens ont su utiliser et adapter les outils britanniques à des enjeux et intérêts indiens, ce qui a permis à la construction de la démocratie puis à présenter la démocratie sociale (« démocratisation de la démocratie »). Les partis, soucieux de promouvoir les intérêts des basses castes et d'élargir l'accès au pouvoir jusqu'à la réserver aux élites des hautes castes, ont profité dans les années 70 de mouvement paysan ou socialiste pour s'affirmer au niveau national. Ces mouvements eux-mêmes s'inspiraient de politiques et thématiques développées par l'empire colonial britannique. C'est ainsi que commence la démocratisation de l'Inde. Au-delà de l'aspect politique, l'imaginaire indien a lui aussi été influencé par l'empire.
Dès lors, il est nécessaire d'étudier comment l'Inde s'est modernisée par rapport à la variable britannique ? Comment se construit la démocratie à partir de la confrontation de cette variable avec des caractéristiques propres à l'Inde ? Il s'agit alors de déterminer quelle place occupe ces différentes données dans le processus mis en place de l'Etat moderne indien.
Dès la proclamation de l'indépendance en 1947, l'Inde opte pour des institutions démocratiques largement inspirées des institutions britanniques. Pour autant, les pères fondateurs de l'Inde souhaitent constituer une Inde unie dans sa diversité et ne veulent pas se limiter au modèle anglais. Il en convient dans un premier temps d'observer d'où la démocratie politique tire ses origines et comment elle se matérialise au début de la république indienne. Dans un second temps, l'Inde, après avoir développée des bases constitutionnelles et démocratiques, a montré ses faiblesses et ses paradoxes. Enfin, dans un troisième temps, l'institution démocratique indienne doit être corollaire à l'acceptation de l'approche intime (et spirituelle) des Indiens vis-à-vis de cet Etat.
[...] L'appareil judiciaire n'en demeure pas moins un des piliers de l'Etat de droit. La commission électorale, dans un même souci de garantir un Etat de droit, doit veiller au bon déroulement des scrutins.Une de ses missions est de faire respecter le Representation of the People Act de 1951, qui fixe les procédures électorales et prohibe toute propagande électorale faisant appel aux sentiments religieux, de castes, etc. À côté de ces contre-pouvoirs officiels, la presse, déjà très active pendant le mouvement d'indépendance, joue un rôle essentiel et protégé par l'article 19 de la Constitution qui érige la liberté d'expression comme droit imprescriptible. [...]
[...] Les débats actuels ont tendance à polariser cette notion : la laïcité venant des pays occidentaux, elle est donc moderne. L'Inde, n'ayant pas la même acceptation, serait donc à considérer comme un pays traditionnel. La mise en place de ce stéréotype nous dérive d'une idée nouvelle, mais encore inacceptable pour les démocraties occidentales : l'Inde propose autant une version complète et légitime de la laïcité, préférant une distance principielle plutôt qu'une séparation radicale. Cette spécificité de la laïcité est à mettre en concordance avec la culture indienne. [...]
[...] Après la dissolution de la Lok Sabha en 1979, des élections générales anticipées sont organisées en janvier 1980. Elles consacrent le retour au pouvoir d'Indira Gandhi qui bénéficie surtout d'un vote négatif : ses opposants, par leurs divisions, ont déçu les espoirs de nombreux Indiens. Dès le début des années 1980, les tendances centralisatrices d'Indira Gandhi se teintèrent d'une promotion de la culture hindoue. Les raisons qui la poussent à exploiter cette idéologie sont qu'elle a épuisé le répertoire populiste et elle cherche un nouveau thème de mobilisation. [...]
[...] La seconde option est celle des nationalistes hindous du Congrès, qui souhaitaient une uniformisation culturelle du pays. Ce problème fut assez rapidement tranché. Les députés furent appelés à représenter la nation dans son entier à partir de circonscriptions et les protections octroyées par les Britanniques aux minorités religieuses (électorat séparé et quotas de sièges réservés dans les assemblées élues) furent donc abolies en dépit des protestations des députés musulmans. En revanche, les populations intouchables ou aborigènes bénéficièrent de circonscriptions réservées proportionnelles à leur poids démographique, pour favoriser leur développement social et politique. [...]
[...] L'Inde a une volonté de jouer un rôle dans la bataille idéologique globale. Il est donc nécessaire, pour asseoir son image, qu'elle gère ses conflits internes qui présentent trois grandes lignes de fracture, passant par des actes normatifs : - Les régions et les castes sont en voie de politisation rapide. Il s'agit d'un phénomène répandu et extrêmement réducteur puisqu'il sous- entend une vision purement instrumentale de l'Union indienne. Même si le régionalisme actuel n'est plus le même que celui d'autrefois, les intérêts locaux et communautaires sont encore plus exacerbés. [...]
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