Des évènements tels que l'attentat du World Trade Centre en 2001, dont les répercussions politiques ont été mondiales, ou encore les émeutes de 2005, ont généré des évolutions profondes dans l'appréhension du phénomène de la délinquance par l'Etat français.
En peu de temps, nous avons pu assister à l'installation progressive d'un Etat sécuritaire, au recul des idées de réinsertion et de redressement des délinquants au profit de celles de punition ou de gestion des risques, à l'émergence d'un « populisme pénal », notamment contre la protection des mineurs, et à l'introduction de la notion de « management de la sécurité », par le Ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
C'est dans ce contexte de « frénésie sécuritaire » et plus particulièrement de « veille permanente » de l'Etat qu'est né le Fichier Edvige, fruit d'un décret datant du 1er juillet 2008.
Edvige, dont l'acronyme signifie « Exploitation documentaire et de valorisation de l'information générale », résulte officiellement de la fusion des Renseignements Généraux (RG) et de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), et ne ferait donc que reprendre le matériel détenu par ces deux entités.
Nous étudierons donc dans ce dossier comment ce qui est présenté comme une simple actualisation d'un fichier déjà existant, a pu générer une polémique nationale de très grande ampleur, malgré l'utilisation d'un discours politique qui lui est favorable, et ce, depuis une trentaine d'années.
Nous analyserons pour cela dans un premier temps la construction d'un contexte politique, médiatique et juridique propice à l'adoption d'un tel fichier, puis nous chercherons à comprendre les causes du rejet massif d'Edvige, et ce, dans une perspective anthropologique (...)
[...] Comme si de rien n'était, il a d'abord «remercié» MAM «d'avoir annoncé la concertation sur le fichier Edvige». Puis, il a appelé l'ensemble de ses ministres à la «cohésion». nous a demandé, sans citer de nom, du sang-froid et conseillé de nous parler entre nous quand on a un texte à défendre. Cela a duré une minute», rapporte un participant. Assise à côté du président, MAM est restée stoïque. «Michèle n'a montré aucun signe d'agacement, confie un ministre. Avant le Conseil, je lui ai demandé si elle allait bien, elle m'a répondu “parfaitement”. [...]
[...] Le parallèle s'arrête cependant là : avec Edvige, le ministère de l'intérieur étend le champ du renseignement. Le nombre de personnes concernées par le fichage augmente. Toutes les personnes "susceptibles de troubler l'ordre public" pourront désormais être fichées par Edvige, alors que le décret de 1991 ne mentionnait que celles qui avaient recours à la violence ou qui lui apportaient un "soutien actif". L'âge minimum requis pour le fichage de ces "futurs délinquants hypothétiques", comme les appelle la Ligue des droits de l'homme, a changé : alors que le fichier de 1991 ne recensait que les majeurs, celui de 2008 pourra s'intéresser aux jeunes dès l'âge de 13 ans. [...]
[...] Mais, dans le bras de fer qu'elle a engagé avec la Place Beauvau et par les réserves qu'elle a émises, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a contraint le gouvernement à la transparence. Et au débat. Dans un premier temps, seules quelques associations, syndicats et partis d'extrême gauche ont protesté. Depuis la rentrée, c'est le branle-bas de combat. Les snipers de la classe politique, François Bayrou en tête, et, plus classiquement, le Parti socialiste, font feu de tout bois. [...]
[...] Des voix de plus en plus nombreuses, jusqu'au sein du gouvernement, s'inquiètent du nouveau fichier national recensant les personnes susceptibles de «porter atteinte à l'ordre public». Le point sur les dispositions qui font débat. Qui est Edvige ? Edvige est l'acronyme de «exploitation documentaire et valorisation de l'information générale». Ce fichier est né d'un décret en date du 1er juillet 2008. Edvige est officiellement, une simple «reprise» des fiches déjà mises en place par les Renseignements généraux. Il résulte de la fusion des RG avec la direction de la surveillance du territoire (DST). [...]
[...] Comme si dire, c'était faire. Pour que nul ne puisse en faire un mésusage dangereux, il faut que le Conseil d'Etat impose au gouvernement de reprendre de fond en comble le fichier Edvige. Christophe Barbier Le rappel à l'ordre de François Fillon, le 8 septembre, n'a rien changé. Clivage culturel au sein d'une droite que le libéralisme politique a toujours plus divisée que réunie, ou réaction tardive motivée par de seules considérations tactiques ? En quelques heures, l'ensemble de la majorité s'est fissuré sur le thème du respect des libertés individuelles : il est devenu impossible de trouver un défenseur d'Edvige hors du noyau dur de l'UMP. [...]
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