« Dans une logique de mondialisation, les pays occidentaux, à la fois principaux consommateurs de stupéfiants et fournisseurs de précurseurs chimiques pour la fabrication des drogues à partir de plantes illicites, ne tissent-ils pas eux-mêmes la corde en chanvre avec laquelle ils sont en train de se pendre ? » Par cette interrogation imagée, Alain Delpirou et Edouardo MacKensie soulèvent la véritable problématique du narcotrafic à un niveau géopolitique.
En effet, les responsabilités quant aux inefficiences de la régulation internationale du trafic de drogue semblent plus partagées entre les pays dits producteurs et ceux qui sont des territoires de forte consommation, que ce qu'indiquent les discours notamment américains. Si l'augmentation de la consommation de produits stupéfiants toujours plus diversifiés a de quoi inquiéter tant en matière phytosanitaire que quant à la viabilité des sociétés contemporaines, la réalité même du narcotrafic interpelle l'analyse, bouscule les a priori, complexifie un peu plus encore la perception du monde et de ses acteurs. La consommation de drogue n'est pas un phénomène nouveau, ni même un phénomène émergent à l'heure d'une certaine modernité. Les traces d'utilisation de plantes hallucinogènes remontent à la préhistoire.
Ce qui est nouveau, c'est la capacité des organisations criminelles à mettre au défi les États sur leur propre territoire, de pénétrer toutes les sphères des bureaucraties étatiques, de corrompre les institutions nationales au point de faire système. Le « narcosystème » dans son appréhension mexicaine est devenu le paradigme dominant de la conduite des affaires de l'État, qu'on y participe comme le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), ou qu'on s'y oppose à l'instar du Parti de l'Action Nationale de Felipe Calderon.
[...] En effet, le facteur risque lié à l'illégalité du commerce de la drogue et le coût du transport de la marchandise sont les déterminants majeurs du prix. Le coût de la production ayant une répercussion marginale sur le prix de vente au détail, l'investissement dans les forces productives ne permet pas d'envisager la réalisation d'économies d'échelle à l'instar de ce qui se passe dans l'économie légale. Cependant les narcotrafiquants savent saisir les opportunités offertes par le progrès technologique afin de maximiser leurs taux de profit. [...]
[...] Le rejet dogmatique du programme bolivien d'industrialisation de produits dérivés de la feuille de coca: DA SILVA Luiz Ignacio« Lula cité par ALVAREZ Indalecio, Caracas et Bogotá à couteaux tirés août 2009, http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine/200908/26/01-896065-caracas-et-bogota-acouteaux-tires.php 127 AMORIM Celso cité par LEMOINE Maurice, Le trouble jeu de Washington et de Bogotá Ces relents de guerre froide venus du Honduras, in Le Monde Diplomatique, septembre 2009, p LEMOINE Maurice, opcit 126 La gestion du narco-trafic et la guerre contre la drogue ne revêt pas les mêmes facettes en fonction des pays dans lesquels elles adviennent. En effet, si le continent américain peut être appréhendé comme un marché transnational cohérent regroupant l'ensemble des étapes du processus du trafic de drogue, de la production à la consommation, les particularités nationales permettent d'éclairer les spécificités du narcotrafic lui même. Ici, il s'agit d'analyser les répercussions sur la structure même du narcotrafic, des prescriptions à s'y inscrire pesant sur les agriculteurs, résultant des représentations collectives de la coca. [...]
[...] Peu à peu, les technologies mobilisées par les trafiquants se destinèrent à améliorer la discrétion des acheminements de la marchandise. Alors qu'en ce qui concerne le cartel de Medellín la technologie était mobilisée afin d'assurer le transport d'importantes quantités de produits stupéfiants, les organisations contemporaines mettent au point des avancées technologiques permettant de maximiser la discrétion de quantités plus petites mais de meilleures qualités. L'image des pseudo-religieuses, qui vêtues de l'habit traditionnel, étaient capables de dissimuler sous leur robe l'équivalent de dix kilos de cocaïne par personne céda devant l'utilisation des technologies les plus avancées. [...]
[...] Cette méthodologie est réservée aux organisations criminelles de narcotrafic disposant de réseaux de corruption suffisamment élevés ou ayant investi au préalable les bénéfices du trafic de drogue dans des entreprises légales afin d'en modifier les comptes. L'utilisation des marchés financiers internationaux est devenue la méthode privilégiée des narcotrafiquants notamment en raison de la perspective de valorisation du capital en sus de son blanchiment que cette méthodologie leur offre. La dérégulation des marchés financiers peut alors être analysée comme une des raisons du développement de la criminalité financière. Les techniques de blanchiment sont particulièrement nombreuses. [...]
[...] La réalité phénoménologique du narcotrafic ne peut pas être segmentée, elle doit être appréhendée en tant que totalité, en termes de système. De plus, il ne peut être expliqué qu'inclut dans le contexte de l'économie capitaliste dans lequel il advient. C'est dans ses interactions avec le fonctionnement de l'économie mondiale dont il capte les mutations afin de maximiser son propre développement que le narcotrafic révèle sa véritable nature. Le trafic illicite des produits stupéfiants est une activité suffisamment rentable pour créer ses propres trafiquants et criminels. [...]
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