Les usages de la grève de la faim

Thèmes abordés

Grève de la faim - Mise en scène de la souffrance - Répertoire d'action - Pratique protestataire

Résumé du document

La grève de la faim se définit comme une privation de nourriture à caractère public, associée à une revendication, dont l'objectif est de contraindre une autorité à considérer la cause défendue. Le jeûne est une pratique ancienne, mais la pratique de la grève de la faim en tant que mode d'action collectif et contestataire n'émerge qu'à partir du XXème siècle. L'expression de « grève de la faim » apparait alors au sein du répertoire des modes d'actions, par une extension de la notion classique de grève. Aujourd'hui, c'est un mode d'action relativement stable, dont l'appropriation par certains groupes sociaux a permis de mettre en place un véritable répertoire d'action. La grève de la faim se distingue toutefois des autres modes d'action plus conventionnels et institutionnalisés par ses connotations morales et le risque de mort qui l'accompagne.
Ce particularisme nous invite à nous demander dans quelle mesure peut-on considérer grève de la faim comme mode d'action puissant et efficace ?
Nous montrerons dans un premier temps que la pratique de la grève de la faim n'a cessé de se développer au XXème siècle et XXIème siècle, pour acquérir un véritable répertoire d'action. Dans un second temps, nous montrerons en quoi ce mode d'action conserve encore des limites malgré son efficacité.

Extraits

[...] Les grévistes font subir à leur corps ce que le pouvoir lui a fait subir ou est susceptible de lui faire subir, afin de remettre en cause le monopole qu'il possède. Toute la stratégie réside donc à mettre en place la rhétorique de la grève de la faim, autour de la menace de lésions irrémédiables, et même de la mort. Par ailleurs, les grévistes s'en remettent à ce répertoire d'action non violent qu'est la grève de la faim afin de légitimer leur action. Vis-à-vis de l'opinion publique, ce choix leur confère une certaine légitimité malgré leurs antécédents, et prouve l'honnêteté de leur cause. [...]

[...] Dans un second temps, nous montrerons en quoi ce mode d'action conserve encore des limites malgré son efficacité. I. La grève de la faim en tant que répertoire d'action La grève de la faim est un mode d'action qui s'est progressivement installé au sein de certains groupes sociaux, développant de véritables savoirs-faire. Ainsi, ils ont su développer le potentiel de puissance de la grève de la faim, en apprenant à mettre en scène la souffrance Le développement d'une pratique protestataire A ses origines, la grève de la faim vient de la pratique du jeûne. [...]

[...] Toutefois, on peut craindre que cette banalisation nuise à la puissance de ce mode d'action spécifique. En effet, de meilleures connaissances sur le processus d'abstention alimentaire, et le développement de grèves de la faim partielle tendent à réduire sont impact. Par ailleurs, ce mode de protestation peut être classé dans la catégorie des violences politiques protestataires, puisqu'elle est susceptible de causer au gréviste des lésions irrémédiables, voir la mort. [...]

[...] Le second procédé consiste à discréditer le gréviste aux yeux de l'opinion publique en rappelant un passé difficile, comme le fait qu'il fut un criminel ou qu'il fut responsable d'actions illégales. Le pouvoir prive ainsi l'acteur de la légitimité de sa grève, ce qui disqualifie ses revendications. Enfin, le dernier procédé auxquels les pouvoirs ont recours est de disqualifier l'entourage du gréviste. Cela leur permet de se placer du bon côté de la morale en soutenant le gréviste, mais aussi de ne pas tenir compte de leurs revendications car ils sont soi disant manipulés. [...]

[...] Mais au contraire, il semble que dans les pays où la dissidence et la contestation ne sont pas tolérées par le pouvoir, la grève de la faim soit un mode d'action particulièrement efficace. Ainsi, cette force morale d'interpellation se distingue des révoltes ordinaires, plaçant les pouvoirs publics dans des positions inconfortables vis-à-vis de l'opinion locale, mais aussi internationale. Il semble donc que la grève de la faim soit aujourd'hui suffisamment légitimée pour être reconnue comme un appel à l'opinion publique, au delà des lois et des frontières. [...]