Au premier abord, totalitarisme et démocratie semblent être des conceptions politiques diamétralement opposées. Depuis la victoire dans le monde postcommuniste de la démocratie libérale, la démocratie est devenue le régime politique légitime par excellence, défini par Lincoln comme le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Pourtant, l'idéal démocratique révèle un certain nombre d'ambiguïtés intrinsèques qui amènent à le remettre en cause. Et cette remise en cause est renforcée au regard de certains évènements majeurs du XXème siècle : arrivée d'Hitler au pouvoir par les urnes, ou utilisation de l'expression « démocraties populaires » pour désigner les pays d'Europe de l'Est sous le joug de l'URSS stalinienne totalitaire.
Parler du totalitarisme comme de « l'envers » de la démocratie semble particulièrement approprié pour traduire ce double jeu, résumé par Claude Lefort par la formule suivante : « L'État totalitaire ne se laisse concevoir qu'au regard de la démocratie sur le fond de ses ambiguïtés ».
Il convient donc de se demander dans quelle mesure la démocratie peut à la fois constituer le terreau fertile du totalitarisme et son ennemi le plus farouche.
[...] Définition du totalitarisme Hannah Arendt est considérée comme la première à avoir conceptualisé le totalitarisme. A sa suite, politologues et philosophes se sont penchés sur la conception d'un "modèle" structurel totalitaire. Raymond Aron constitue l'un des vecteurs de cette pensée en France. a. Hannah Arendt Dans Le système totalitaire, Arendt analyse le régime stalinien en URSS de 1945 à 1953 et le nazisme de 1929 à 1941[1]. A travers ces deux exemples, elle dégage quelques grands concepts fondateurs du phénomène totalitaire, parmi lesquels on retrouve : - le concept de ‘masses', véritable pierre angulaire du totalitarisme, qui efface l'identité des individus, - la place prépondérante de la propagande et usage permanent de la terreur à un niveau sans précédent, - l'importance de l'organisation et la place du chef : aucune hiérarchie intermédiaire ne vient théoriquement relativiser l'autorité du chef totalitaire, - les dangers de l'idéologie. [...]
[...] Dans les faits, le pouvoir est désincorporé, et plonge les citoyens dans le domaine de l'incertitude. a. Le peuple souverain étant partout, quand il devient tyran, le tyran est partout ; c'est la présence universelle d'un universel Tibère. [Chateaubriand] Au lendemain de la révolution française, la démocratie française est longue à mettre en place car une question fondamentale agite la classe politique : comment donner corps à la souveraineté populaire (M. Gauchet). Longtemps, le spectre de la démocratie dégénérant en dictature populaire hante les libéraux français, dont certains s'opposent même au suffrage universel, d'autant plus que le souvenir de la Terreur est encore vivace. [...]
[...] Pour Claude Lefort, le pouvoir en démocratie devient un lieu vide qui n'est plus incorporé en la personne du prince. Le pouvoir est inlocalisable, fermé, indéterminé même si certains individus occupent pendant un laps de tps déterminé des responsabilités. Cette abstraction suscite de la crainte chez des citoyens en mal de repères, de logique indestructible. B. La démocratie au défi de la modernité politique Pour de nombreux philosophes et politologues, le véritable lien entre démocratie et totalitarisme se situe dans la question de la modernité politique. a. [...]
[...] L'impact de l'individualisme L'individualisme contemporain à l'œuvre dans l'histoire des sociétés occidentales constitue une véritable menace au bon fonctionnement de la démocratie. D'une part, la démocratie se nourrit de la participation de tous et de toutes à la chose publique, à laquelle semblent de plus en plus renoncer les individus qui s'intéressent davantage à leur indépendance privée. L'affaiblissement de la conscience politique risque alors de créer une atmosphère favorable à de futurs tyrans et constituer le terreau de l'autoritarisme comme le souligne B. [...]
[...] Prise du pouvoir par un parti unique 2. Mis en place d'une idéologie qui devient vérité d'État 3. Confiscation et instrumentalisation des médias 4. Contrôle de l'économie et des systèmes de production 5. Abolition des discordances sociales entre le pouvoir et les masses par la terreur policière et idéologique B. Le totalitarisme comme radicale singularité Dans leurs essais respectifs, Arendt et Aron soulignent la singularité du totalitarisme qui en fait un phénomène véritablement appart. a. La conception d'Hannah Arendt La philosophe, dans Aux Origines du totalitarisme développe l'idée selon laquelle le totalitarisme est un phénomène singulier, différent des dictatures et des tyrannies. [...]
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