A cet égard, Jürgen Habermas aura eu le grand mérite de mettre l'accent sur cet aspect procédural et communicationnel de la délibération dans les démocraties modernes. Nous nous appuierons donc surtout sur son analyse.
Il s'agit de voir tout d'abord en quoi la délibération est l'une des conditions nécessaires de la démocratie ; puis combien c'est la question de la légitimité de cette délibération, par rapport à celle du pouvoir politique, qui peut être mise en cause.
“Gouverner, c'est choisir”, dit-on. Or ce choix, dans une démocratie, n'est pas celui d'un seul homme ou d'un petit groupe oligarchique, mais celui du peuple, plus ou moins directement selon le niveau de représentation de ce dernier.
L'association des termes “politique” et “délibération” est essentielle. Pour Aristote, n'est citoyen que celui qui a la faculté de participer au pouvoir délibératif. Sur quoi les hommes libres, c'est à dire la masse des citoyens, tous ceux qui ne sont ni riches, ni vertueux, peuvent-ils être souverains ?...
[...] Au contraire, la délibération est une caractéristique de ce que l'on appelle communément la “démocratie continue”, qui légitime, en tout moment et en tout lieu, les règles de la société. Les démocraties recherchent en effet implicitement ce consensus à travers de nouvelles formes de délibérations. Le sondage délibératif en est une. Le sondage délibératif, selon Fishkin, qui est plus ou moins son inventeur, est une simulation de démocratie, répondant aux quatre conditions qui la définissent : “non-oppression de la minorité par la majorité, égalité politique, participation, délibération”. [...]
[...] La discussion rationnelle est supposée être tout d'abord publique et inclusive, accorder des droits de communication égaux aux participants, requérir de sincérité et interdire toute sorte de force autre que ce que Habermas appelle la “faible force du meilleur argument”. Cette structure de communication est supposée créer un espace délibératif pour la mobilisation des meilleures contributions disponibles sur les sujets les plus pertinents. Or il s'agit maintenant de voir que, précisément, c'est la question de cette légitimité du débat qui est au centre des préoccupations des démocraties modernes. Légitimité de la délibération dans les démocraties modernes. La politique délibérative chez Habermas, un “utopisme” ? [...]
[...] Concrètement, comment marche un sondage délibératif ? Après la parution d'un rapport, un échantillon de la population adulte, choisi sur des bases scientifiques, se réunit afin de délibérer sur ledit rapport, par exemple pendant cinq jours. Un organisme de ce genre a siégé plusieurs fois en Grande-Bretagne, notamment à l'occasion d'un débat sur la criminalité. Ce qui distingue le sondage délibératif d'une enquête d'opinion ordinaire, c'est que, comme son nom l'indique, les citoyens délibèrent effectivement sur un problème. Ils se répartissent en petits groupes de discussions, rencontrent des experts et des hommes politiques, puis en tirent leurs conclusions. [...]
[...] En conclusion, on peut rappeler que pour Habermas, la politique délibérative est liée à une notion complexe de légitimité procédurale. La démocratie délibérative part du postulat de légitimité de la délibération. Or le problème posé se déplace vers celui de la légitimité de ceux qui délibèrent. Il s'agit en fait de la dialectique entre légitimité du pouvoir par la délibération et légitimité de la délibération par le droit. D'où une tendance nouvelle des démocraties à se retourner vers des modes plus directs de consultation des citoyens, notamment grâce au développement de nouveaux espaces publics de délibération. [...]
[...] Politique et délibération Le fait de délibérer consiste à réfléchir mûrement, puis discuter et enfin choisir. Or le problème posé est donc le suivant : qui discute, qui choisit ? Comment le débat a-t-il lieu ? Les réponses à ces questions sont évidemment primordiales puisque ce sont elles qui assurent la caractéristique du régime politique dont il est question. Le problème étant, bien sûr, de savoir de quel type de délibération il s'agit : entre gouvernants, au sein de l'élite (on se rappelle le “conseil des sages” platonicien) ; ou bien entre les citoyens eux-mêmes, à travers des modes divers d'implication comme les forums politiques, hérités de la démocratie athénienne, les référendums, ou, plus récemment, les sondages délibératifs. [...]
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