Le petit Robert de 1993 la définit comme étant «extraite des propos d'un homme public et abondamment commentée par les médias ». La petite phrase n'est donc absolument pas réservée au monde politique, Eric Cantona en a fourni de bons exemples, mais plutôt au monde médiatique. Mais cette définition demande à être précisée, sans quoi n'importe quel propos repris par les médias serait une petite phrase. La petite phrase se singularise par le fait qu'elle est souvent dite sur le ton de la familiarité et qu'elle n'est pas en elle-même un raisonnement très poussé : elle se comprend sans difficulté hors de son contexte. Pour le Grand Larousse Universel, elle est une «courte phrase détachée des propos tenus en public par une personnalité et à laquelle on prête une signification plus grande que celle qu'elle a en réalité ou qui révèle la pensée profonde de l'auteur ». Dans son Que sais-je ? sur Le Vocabulaire Politique (1997), J.-M. Denquin complète cette définition en insistant sur son impact : la petite phrase «désigne d'abord une formule courte mais bien frappée qui, par son caractère explosif, occulte dans le commentaire médiatique le reste du texte ou de la déclaration dont elle est extraite : c'est autour d'elle que le débat va s'organiser ». Pour que notre définition de la petite phrase soit complète, on pourrait rajouter qu'utilisée dans un débat, elle a pour but principal de défaire l'adversaire, et non de faire avancer ses propres arguments.
[...] de petite phrase. Les orateurs bâtirent leur renommée sur de grandes tirades, bien construites. Certes, ils n'étaient pas avares de phrases chocs, mais celles-ci étaient dites sur le ton de la péroraison. Le général de Gaulle appartient encore à cette tradition. Lorsqu'il déclare France a perdu une bataille, elle n'a pas perdu la guerre ou vous ai compris il s'exprime par «grandes phrases empreintes de solennité, de grandiloquence. Du moins le plus souvent, car lorsqu'il parle d'un «quarteron de généraux en retraite il fait penser aux petites phrases actuelles. [...]
[...] L'important n'est pas de faire passer un message, mais de soigner son image. Les orateurs savent que ce n'est pas le téléspectateur-électeur qui fera le moindre effort pour comprendre : c'est à eux de se mettre à la portée de ceux qu'ils veulent convaincre. L'homme politique est donc condamné à ne parler qu'en petites phrases. Or dix mots pour résumer une idée sont souvent bien insuffisants . II De l'utilisation et de l'effet des petites phrases L'utilisation des petites phrases a toujours un objectif précis La petite phrase cherche à recueillir l'approbation du plus grand nombre d'électeurs possible. [...]
[...] Chirac a ici lui-même provoqué une occasion pour M. Mitterrand de prendre l'avantage. Cet exemple illustre bien le fait que la petite phrase joue parfois sur un registre émotionnel, mais pas sur la capacité de réflexion de l'auditoire. Dans d'autres cas, et peut-être plus souvent, la petite phrase se contente d'être humoristique ou de tourner l'adversaire en ridicule. Lors du débat qui l'opposa en 1985 à Jacques Chirac, Laurent Fabius choisit d'adopter un ton agressif, interrompant à de multiples reprises le président du RPR. [...]
[...] Les hommes politiques doivent respecter les règles de cet univers. Ils doivent adapter leur discours aux normes de la télévision, le désidéologiser, réduire son message au plus petit dénominateur commun politique. Même si les discours doivent éviter toute agressivité, ils se doivent toutefois de participer à la politique spectacle, ce qu'ils font notamment par l'utilisation de petites phrases. Ce qui compte, c'est l'impression laissée au téléspectateur. D'une certaine manière, l'avènement de la petite phrase a signé le déclin du Parlement comme forum, puisque c'est un lieu qui par sa nature privilégie les «grandes phrases Lorsqu'une petite phrase y est prononcée, elle n'est souvent pas destinée aux parlementaires, mais aux téléspectateurs qui la découvriront lors d'une éventuelle reprise par les médias. [...]
[...] Mais les autres hommes politiques comprirent rapidement que les médias imposaient désormais l'utilisation de petites phrases, et en 1981, en proclamant que son adversaire était «l'homme du passif F. Mitterrand battit V. Giscard d'Estaing à ses propres armes. Ce n'est pas Giscard d'Estaing qui fut la cause de la plus forte présence des petites phrases dans la vie politique. Il fut simplement l'un des premiers à comprendre que celle-ci était inévitable du fait du rôle de plus en plus important des médias audiovisuels. Les médias ont considérablement accru l'utilisation des petites phrases. Avec la télévision, les anciennes formes de communication politiques sont dépassées, du moins au plan national. [...]
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