« La loi du 3 juin 1958 est un cas unique dans notre histoire constitutionnelle. Elle a permis le passage d'une république à une autre sans qu'à l'origine de ce changement ne se trouve une révolution [..] et surtout sans, qu'entre ces deux républiques, ne s'écoule un délai plus ou moins long pendant lequel les valeurs républicaines ne disparaissent au profit de régimes non démocratiques. » Historiquement en effet, la Ière République fut avortée par la Terreur, la seconde par le 18 brumaire, et la troisième par le honteux régime de Vichy qui laissa place à un vide constitutionnel de six ans. Jamais une République ne s'est éteinte pour mieux renaître. La IVe a pourtant fait le choix d'abdiquer en faveur du renouveau; pour mettre fin aux errements d'alors, régler la crise algérienne et maintenir une stabilité gouvernementale et une longévité constitutionnelle ambitionnées, 1946 a très vite fait place à 1958. Il s'agissait alors de ne pas abandonner la démocratie tout en dépassant les échecs du régime.
La procédure de révision constitutionnelle envisagée par la Constitution de 1946 fut jugée trop longue, trop contraignante et paralysant la dynamique institutionnelle assoiffée de changement. L'Assemblée Nationale a donc accordé dérogation à cet article 90 source de tous les maux. Elle a transféré provisoirement son pouvoir constituant au gouvernement de Gaulle en lui imposant les bornes du 3 juin pour le nouveau texte.
Mais dans quelle mesure cette loi constitutionnelle du 3 juin 1958, appelée la loi des cinq bases, s'inscrit-elle dans la continuité et l'héritage républicain, ou au contraire, innove-t-elle en réaction contre une IVe République inefficace?
Les constituants de 1958 ont légitimement souhaité s'inscrire dans une continuité républicaine (I), mais leurs actes fortement innovant sont parfois entrés en contradiction avec cette tradition dont ils se revendiquaient les héritiers (II).
[...] Finalement, aucun ajustement des institutions n'est conclu, malgré la résolution de l'Assemblée Nationale du 24 mai 1955 (adoptée par 404 voix contre 210), le rapport de la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions sur les propositions du Conseil de la République du 7 juillet de la même année et l'avis favorable du Conseil d'Etat. Question théorique: réviser la procédure de révision de la constitution est en soi problématique. D'un côté, certains pensent que toutes les modifications de la Constitution sont envisageables, conséquence d'une absolue souveraineté de l'Assemblée nationale compris la révision de la procédure de révision; thèse défendue par G. Vedel), alors que d'autres conçoivent des limitations, explicites ou non, à la portée de la révision constitutionnelle (thèse de O. Beaud et G. Burdeau). [...]
[...] Pour De Gaulle, le mal absolu ce n'était pas la guerre, l'abandon de l'Indochine, de l'Algérie, le repli sur le vieil hexagone, mais la IVe République, la faiblesse de l'Etat et cet État tenu par des mains abhorrées L'ennemi de Mitterand est clair: ce général qui a délibérément saboté la IVe pour pouvoir instaurer insidieusement la Ve, sa République. Douze années durant le général de Gaulle épia l'adversaire, profitant de ses moindres fautes, paralysant lentement ses réflexes, hypnotisant sa volonté, l'amenant lentement, imparablement sur le terrain choisi pour qu'il s'y perde. Destin difficile que celui d'une république encombrée d'un héros ambitieux et chagrin De Gaulle est un traître profitant des pires malheurs de la Patrie politique du pire pour satisfaire ses ambitions personnelles. Le gaullisme est une revanche bonapartiste, le 1er juin un 18 brumaire. [...]
[...] Les principes idéologiques que doivent respecter les constituants sont la continuité républicaine (cf. art. 95) et la démocratie; ils ne peuvent en aucun cas changer de régime politique. De même, cinq principes constitutionnels amendés servent de base au projet de révision. seul le suffrage universel est la source du pouvoir les pouvoirs exécutifs comme législatif procèdent du suffrage universel (tradition française démocratique), le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés séparation des pouvoirs qui renforce notamment l'exécutif auparavant procédant du législatif, le gouvernement doit être responsable devant le parlement garantie d'un régime parlementaire, l'autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d'assurer le respect des libertés essentielles nécessité de respecter les principes de la DDHC et du Préambule de 1946, la constitution doit permettre d'organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés référence au contexte colonial difficile, la Ve doit trouver une solution là où la IVe a failli. [...]
[...] L'aval de la population française est de même confirmé, outre par la loi de ses élus, par le référendum du 28 septembre 1958. Avec un taux de participation de 85% et 85,1% de oui en métropole en Algérie dans les TOM), ce référendum est un phénoménal succès pour le gouvernement de Gaulle. Toutefois, on peut se désoler de la dérive plébiscitaire existant dès lors: beaucoup de Français se sont en fait prononcés sur l'homme plus que sur le texte . un avant goût de la Ve République. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 est pourvue d'une forte légitimité contextuelle (crises, cf. [...]
[...] La distinction entre 1940 et 1958 est faite par M. Coste-Floret à l'Assemblée Nationale le 2 juin: la loi de Vichy a consenti au Gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du Maréchal Pétain, une délégation directe du pouvoir constituant, tandis que le projet du Gouvernement modifie, dans les formes prévues par la Constitution en vigueur, la procédure de révision pour permettre la promulgation d'un texte constitutionnel nouveau La dérogation (définie par Kelsen comme une fonction spécifique de la norme permet de surmonter le blocage constitutionnel, en mettant en échec une norme tout en respectant le domaine du légal. [...]
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