Individualiste, la philosophie des Lumières s'est faite le champion des libertés individuelles par rapport à l'Etat interventionniste et envahissant qu'était la monarchie absolue de droit divin. Contre les pesanteurs de l'économie dirigée et réglementée, l'école des Physiocrates réclame à la foi la liberté de circulation des denrées, amorcée par la liberté de circulation des grains mise en oeuvre par le génial Turgot, et la liberté du commerce et de l'industrie, tentée par le même Turgot obtient du roi l'édit, portant suppression des corporations et jurandes, vite rapporté sous la désastreuse pression des privilégiés ligués pour faire céder le roi et son ministre.
Retenons parmi les idéologues, actifs pendant la période révolutionnaire, l'abbé Sieyès, le génial inventeur de la souveraineté nationale qui permit de dépasser les impossibilités matérielles de la souveraineté populaire chère à Jean-Jacques Rousseau, ou le docteur Cabanis, fervent adepte de la liberté de croyance par athéisme plus ou moins militant ou encore Destutt de Tracy.
[...] Selon Constant les valeurs essentielles et fondatrices de l'ordre nouveau sont la liberté individuelle et la résistance à l'oppression, qui doit se traduire notamment par la liberté d'expression. La participation politique est secondaire, aussi ne se montre-t-il pas choqué par le suffrage censitaire, même si son organisation sur une base purement financière ne lui semble pas idéale. Méfiant, en bon protestant, à l'égard du clergé, dans son De la religion, il tente de défendre la foi, mais en la détachant de l'institution ecclésiastique que le temps montre au côté des ultraroyalistes, pourfendant avec eux la liberté d'expression, orale ou écrite, qui lui est si chère. [...]
[...] A la différence des Américains ou des Britanniques, dont il convient aussi de présenter le libéralisme réel avec nuances, l'Etat, notamment aux USA, n'étant pas aussi absent que le discours officiel aimerait le faire croire, les Français n'ont jamais sérieusement souhaité sa mise en œuvre . Il y a en effet un assez large consensus sur certains acquis sociaux. Si, indépendamment de toute appartenance politique, certains se plaisent à dénoncer abus et dysfonctionnement, ils se gardent habituellement bien de proposer l'abolition du système social, ils se contentent d'en souhaiter le réaménagement. [...]
[...] I - Les pères fondateurs Deux hommes ont vraiment donné au libéralisme politique ses traits essentiels au cours du 19e siècle. Il s'agit tout d'abord de Benjamin Constant (1767-1830) resté célèbre tant par ses amours tumultueuses avec Madame de Staël que pour son combat et son engagement contre Bonaparte, qui l'exile, pour le rappeler pendant les 100 Jours, ainsi que pour son oeuvre littéraire et politique (Adolphe, De la liberté des anciens comparée à celle des modernes Selon lui, les Anciens tant admirés par Rousseau ne connaissaient que la liberté de participation à l'assemblée réunie sur la place publique (agora ou forum) de la cité, parcimonieusement accordée à la minorité revêtue de la dignité de citoyens, sans qu'il n'y ait de préoccupation et encore moins de garanties des libertés individuelles, ce qui selon lui laisse la porte ouverte à toutes les tyrannies et en tout cas privilégie la solidarité d'une minorité de citoyens-soldats souvent belliqueux et égoïstes. [...]
[...] Si certains ont cru y voir la marche vers la soviétisation de la France, ils se trompèrent, car la gauche comme la droite célèbrent désormais les vertus de l'économie de marché et l'entreprise est au coeur du dispositif. La rigueur monétaire fut le fait de Raymond Barre mais aussi celui de Pierre Bérégovoy. Les idéologies se sont en quelque sorte affadies en même temps que les Français se détournaient largement de la politique au profit d'un repli sur soi souvent égoïste, chacun considérant ses seuls droits. C'est une sorte de double perversion de l'esprit d'entreprise qui s'est émoussé et de la solidarité qui s'est affaiblie. [...]
[...] Il a foi en les capacités individuelles, croit en la dignité de chacun. Lucide, Tocqueville pressent une menace contre cette démocratie individualiste, c'est le repli de chacun sur soi dans le seul souci de défendre ses intérêts, sa promotion personnelle, ce qui pourrait ramener à un matérialisme étroit. Il faut, pour que la démocratie soit vivante et ne se fasse pas absorber par un candidat à la tyrannie molle une éducation au sens civique, une incitation à la participation à un système d'associations libres, qui constitueront les éléments vivifiants de la démocratie. [...]
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