Ouvrage à la base de la science politique moderne, Le Prince de Machiavel paru en 1532, n'a pas perdu sa pertinence. Traité posant les règles de gouvernement d'un Etat, il vise la création d'une société harmonieuse mais décrit surtout les manœuvres d'obtention et de conservation du pouvoir par le Prince. Or contrairement à une démocratie établie, c'est aussi la priorité première des chefs d'Etat totalitaires, Hitler et Staline au XXème siècle si on adopte la stricte définition d'Arendt sur le totalitarisme.
Jusqu'à quel point est-il alors possible de désigner le leader totalitaire comme incarnation moderne du totalitarisme ? Est-il identique tant dans ses moyens que dans ses buts et son idéal au Prince de Machiavel ?
Si les moyens sont semblables, sur la durée le but diverge et les caractères empruntés au Prince sont portés à l'extrême, s'écartant du modèle initial.
[...] En cela les chefs totalitaires personnifient ces principes. Mais si les leaders ont des traits du Prince, le fondement du totalitarisme l'éloigne définitivement du modèle. Il s'agit là d'un enjeu simple de souveraineté puissance absolue et perpétuelle d'une République selon Jean Bodin- car si le Prince recherche au final ce but pour sa nation, le leader totalitaire lie le destin de celle-ci à la durée de sa propre autorité. Loin de l'harmonie sociale préconisée par Machiavel, le règne du chef totalitaire laisse de profondes séquelles dans l'histoire de l'État : là où le devoir de mémoire allemand est toujours vif, la Russie lutte encore pour établir une démocratie, comme l'a encore prouvé l'élection douteuse du nouveau président fantoche, Dimitri Mendvedev. [...]
[...] VIII) au prétexte de la Raison d'État. Cela peut alors justifier la pratique de coup d'État, comme lors de la révolution bolchevik de 1917 : organisés sous les ordres de Lénine, les révolutionnaires saisissent les organes du gouvernement et ses positions clés, faisant preuve d'une violence extrême jusqu'à ce que leur objectif soit achevé. Une fois la prise de pouvoir effective, la difficulté est de le conserver, suite aux actes immoraux perpétrés. Pour cela le Prince doit vaincre toute potentielle opposition interne. [...]
[...] L'action du parti suit alors la volonté du chef plutôt que la volonté du chef ne sert le parti. Machiavel juge sévèrement les tyrans dont l'unique but est la gloire et qui abusent de leur pouvoir, le législateur devant avoir comme objectif la prospérité durable du pays. Ce but est pourtant davantage un outil de dissimulation chez les chefs totalitaires, qui utilisent l'idéal idéologique (l'Aryen pour Hitler, le prolétaire en URSS) pour faciliter leur tâche de gouvernant en suscitant l'adhésion de la masse. D'où la divergence fondamentale entre modèle machiavélien et réalité totalitaire qui est le but poursuivi. [...]
[...] II Mais les buts et effets divergent La première divergence entre théorie du Prince et exercice du pouvoir totalitaire réside dans l'utilisation de la terreur. Pour le Prince elle ne doit être que périodique, elle est légitime si exemplaire. Cette qualité de modération est sa vertu la vertu de savoir utiliser la violence quand il le faut pour se faire respecter de son peuple, mais ne pas en abuser. Au contraire, le chef totalitaire l'exploite sans retenue et sous couvert seulement du bien commun, exerçant cette terreur de manière totalement arbitraire : Hannah Arendt en dira que la terreur est l' essence même du totalitarisme. [...]
[...] Selon Machiavel, même si par nature le Prince est bon, le peuple est mauvais et corrompu et pour y faire face il doit savoir user des défauts que sont l'avarice, la perfidie et la cruauté. La crainte est garante de son pouvoir bien plus que l'amour du peuple qui est menteur et conspirateur. Le Prince n'a de fait pas à respecter sa parole ni ne peut réellement déléguer son pouvoir : la propagande, largement employée en URSS ou durant le IIIe Reich, est ainsi justifiée. [...]
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