Le juge et l'historien

Résumé du document

La relation entre le juge et l'historien est complexe. Si ceux-ci se complètent dans un but commun de recherche de la vérité leurs rôles différents induisent des rapports qui se nouent souvent dans l'inconfort.
Le juge et l'historien sont-ils voués à subir cette tension née de la différence de leur tâche lorsque « le passé est dans le prétoire ? »
Nous verrons que si leur rôles diffèrent (I), leur collaboration, même tendue, reste nécessaire (II)...

Extraits

[...] II Une collaboration difficile mais necessaire A L'Historien, ‘simple témoin' parfois contestataire. Pour le juge l'historien n'est pas source de vérité scientifique car ce dernier apparaît en tant que témoin (ex : procès Touvier et Papon) et non expert (cas médecin par ex) Inconfort moral et intellectuel de l'historien qui doit devant le tribunal jurer de dire la vérité, rien que la vérité Pour René Rémond cela aboutit à interdire la distinction entre certitude scientifique, opinion et conviction personnelle. Il existe une confusion entre le témoignage et l'expertise dont les conséquences sont un régime d'oralité pure pour l'historien (pas de notes) que peu apprécient. [...]

[...] Juge ne doit pas juger en fonction de critères actuels. La distance entre les faits et le procès a atteint son apogée lors du procès Papon. Problème de l'âge des jurés, jeunes qui ont demandé aux historiens des précisions quant au fonctionnement des deux zones par exemple. La tâche de l'historien est de rendre compte avec justesse de la latitude d'action passée, ceci étant sa contribution la plus précieuse. L'objection courante est qu'un certain nombre d'historiens n'ont pas vécu la période sur laquelle ils témoignent.(cf. [...]

[...] Sous l'empire Romain l'historien jugeait. Chez les Grecs, l'historien devait convaincre sans pour autant avoir un discours scientifique qui n'était nullement exigé. Il appartenait aux archéologues d'apporter des preuves. Le rapprochement de l'histoire littéraire et de l'érudition scientifique date des Lumières. MARCH Bloch dans Apologie pour l'histoire ou le métier d'historien : Robespierristes, antirobespierristes, nous vous crions grâce, par pitié, dites-nous seulement qui fut Robespierre : rôle historien ne doit pas être de juger mais d'expliquer. Juger et comprendre sont deux tâches différentes qui paraissent se compléter et qui pourtant s'opposent souvent. [...]

[...] B Le juge face à l'histoire : un difficile délimitation des rôles Les Tribunaux affirment que lire l'histoire n'est pas leur rôle. Lorsqu'un ouvrage est en litige au prétoire, il est interdit aux magistrats de conduire une recherche documentaire historique. Mais le magistrat peut-il éviter de se faire historien pour rendre certains jugements ? Attitude à la fois prudente et ambiguë de la justice qui se défend de se prononcer sur le fond d'une question historique tout en s'engageant parfois implicitement : procès Touvier montre que la qualification d'un crime exige de la part des magistrats une appréciation historique d'ensemble sur la nature même du régime de Vichy : arrêt chambre criminelle Cour Cassation 20/12/85 précise la notion de crime contre l'humanité notamment par fait que ce crime doit être commis : au nom d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique Trois magistrats, sous cet éclairage, ont prononcé qu'à Vichy ne régnait pas une idéologie précise ce qui conduit à un non-lieu choquant contré par l'avocat général et se termine par une condamnation à perpétuité de Touvier. [...]

[...] Juge et historien ont tous deux un rôle d'investigation. Historien peut se heurter à une volonté politique d'oubli, l'amnistie (ex de M.DRUON, certains voulaient qu'on ne le punisse pas) Problème de la censure des biographies : plus le temps passe, plus l'historien est libre sinon risques de problèmes avec la justice. Conclusion Nécessité d'une double rigueur : soin préservation du rôle de chacun + disponibilité envers les autres rester chez soi les fenêtres ouvertes Rôle de l'historien dans le prétoire justifié par responsabilité civique et rigueur épistémologique. [...]